mercredi 25 avril 2012

Et je devins boulanger

Durant trois années, de 1967 à 1970, j'ai travaillé dans une boulangerie comme apprenti. Ce furent trois années intenses, faites de moments de joie et de purs bonheur mais aussi de moments de tensions, d'épuisement et de dépression. Je me devais de vous les conter.


C’est arrivé par hasard. C’était durant les vacances de l’été 1967, j’avais quitté le collège de Bonne Espérance un an plus tôt et m’étais inscrit, les pieds traînant, dans une école technique, sans aucune motivation, les tripes nouées et tordues par l’ennui, le désespoir, la grisaille  d’une vie dont je ne savais pas vers où et vers quoi elle me menait.
Cet été-là, j’aidais ma mère dans son magasin d’alimentation et ce jour-là, j’eus à réceptionner les pains que nous livrait chaque jour, Andrée, la femme du boulanger. Sans y avoir jamais réfléchi, je lui demandai à brûle pourpoint si elle n’engageait pas de personnel car je cherchais du travail. Elle me répondit qu’elle n’en savait rien mais qu’elle pouvait en parler à son mari. Quand elle fut partie, il me paraissait clair que je n’aurais pas de nouvelles et que ma démarche s’apparentait à un coup d’épée dans l’eau. Ma mère était restée stupéfaite, « c’est quoi ça Mariolino ? Tu veux abandonner les études ? » Pour la rassurer, je lui dis que c’était juste pour m’occuper et gagner un peu d’argent durant les vacances. Il s’était écoulé à peine une demi-heure qu’Andrée était de retour. Gilbert, le boulanger, était intéressé et si cela me convenait je pouvais commencer dés le lendemain à 5 heures du matin.
Je n’en revenais pas, il suffisait donc de demander. J’étais à la fois content mais aussi légèrement inquiet à l’idée d’affronter un travail et des gens que je ne connaissais pas du tout. Après trois années d’humanités à Bonne Espérance et un an d’école technique où je n’avais pas brillé dans les travaux pratiques, on me considérait, et m’avaient convaincu, que je n’étais pas doué pour les travaux manuels. Mais la boulangerie supposait-elle des aptitudes manuelles ? Je n’en savais rien et ne risquais rien à essayer.
Le lendemain, je quittais la maison vers 4 h 45, je me disais que j’étais un des premiers levés de toute la ville et que j’en étais maître de ses rues. Je n’avais qu’à descendre notre rue sur deux cents mètres, tourner à droite aux feux de signalisation et 100 mètres plus loin sur la gauche se trouvait la boulangerie. La façade avait l’allure d’une maison d’habitation normale,  Andrée m’avait dit d’entrer par la grande porte cochère et au fond de la cour, je trouverais le « four ». J’appris par la suite que le « four »désignait non seulement le four dans lequel on enfournait et cuisait le pain mais aussi l’atelier dans lequel on le confectionnait. L’odeur du pain cuit me prit de plein fouet et me subjugua. Je respirais à fond pour ne pas en perdre une miette si je puis dire. Je pensais que j’allais peut être pouvoir vivre chaque jour dans ce parfum extraordinaire. C’était un cadeau du ciel. Je ne savais pas bien entendu, quel en serait le prix.
L’entrée de l’atelier était faite d’une double porte métallique, vitrée et coulissante. En y entrant, je constatais qu’il y avait déjà des chariots de pains cuits. Gilbert, le patron, m’accueillit  gentiment et me présenta son fils Fernand qui me paraissait avoir dix ans de plus que moi. Tout deux étaient vêtus de pantalon de toile claire et de grosse chemisette à manches courtes. Ils portaient aux pieds des charentaises couvertes de farine. Gilbert ressemblait à s’y méprendre à Christian Barbier qui interprétait le personnage principal d’un feuilleton très célèbre de l’époque : « L’homme du Picardie ». D’emblée, cela me le rendit très sympathique.
Il me désigna une porte au fond de l’atelier, en me disant que je pouvais m’y changer et qu’on allait commencer la deuxième fournée. Je passais devant ce que je devinais être les façades de deux fours très impressionnants et entrait dans un petit cagibi aux murs couverts d’une poussière brune sur lesquels courraient nombre de cafards. Avec le temps, j’appris que la poussière brune était de la farine brûlée et que les cafards accompagneraient toutes mes années de travail chez « l’homme du Picardie ». Après m’avoir donné un tablier blanc sans bavettes et m’avoir appris à le nouer sur le devant en faisant avec le ruban deux fois le tour de la taille, on m’expliqua brièvement les différents types de pains que l’on fabriquait habituellement.  Je n’y compris pas grand-chose, n’en retint rien et me dit qu’on verrait bien à l’usage. J’étais nerveux, me demandant si je serais à la hauteur, mais je me donnais des airs du mec sûr de lui. On me plaça devant une table demi-ronde magnifiquement patinée. Elle se trouvait devant une machine dans laquelle tournait un tambour vertical rainuré, le long duquel courrait en spirale une gouttière. Je découvris, que Fernand, le fils, pesait des morceaux de pâtes qu’on nommait des pâtons, jetait ces pâtons dans le bas de la gouttière, sous la pression du tambour tournant, les pâtons montaient le long de la gouttière et tombaient d’une hauteur d’environ 80 cm sur la table devant laquelle je me trouvais. Cette machine s’appelait une rouleuse. Gilbert me montra que ces pâtons devenus des boules comportaient ce que l’on appelait un nœud. Il était en effet impossible d’obtenir une boule complètement lisse, il y avait un endroit où tous les plis se retrouvait, c’était ça le nœud. Il s’agissait alors d’aplatir légèrement les boules sur la table et de les déposer dans des paniers en osier recouverts de toile blanche, rangés dans une énorme armoire à six étages, placée derrière moi. Les paniers des deux étages supérieurs étaient les plus grands et devaient accueillir des pains de 1 kilos 200, les paniers des quatre autres étages étaient plus petits et accueillaient les pains de 8OO grammes. Il fallait écraser la boule de pâte, la prendre ensuite en plongeant les doigts dans le nœud et serrant celui-ci avec le pouce, retourner les mains vers le plafond pour porter et placer la boule dans le panier, le nœud tourné vers le haut.
Je remplis ainsi les paniers de deux armoires que l’on déplaçait facilement grâce aux roues dont elles étaient munies, sans être bien sûr d’avoir toujours bien repéré les fameux nœuds. Il fallait aller vite et je n’arrivais pas à suivre. Les pâtons roulés en boule s’accumulaient sur la table, collaient entre eux ou me collaient aux mains et je n’arrivais pas à m’en débarrasser. Fréquemment, Fernand devait interrompre sa découpe et ses pesées pour venir m’aider, me désignant un petit bac en métal, soudé à la machine, dans lequel je pouvais puiser de la farine pour éviter que mes mains ne collent à la pâte ou que les boules ne collent entre elles ou à la table.  Quand nous eûmes remplis les paniers des deux armoires, on avança deux autres armoires qui elles comportaient une double porte et dans laquelle on avait rangés des platines, rondes et carrées, de trois dimensions différentes. Pour remplir les platines rondes, c’était assez facile, on faisait la même opération que pour les paniers et on plaçait les pâtons ronds dans les platines, le nœud placé cette fois en dessous. Fernand connaissait exactement le nombre de platines et je constatais que quand je finissais de remplir les plus grandes platines, automatiquement arrivaient des pâtons plus petits. C’est pour les platines carrées que cela se compliquait : Il fallait attendre quelques secondes que les pâtons se ramollissent au sortir du tambour et donc en disposer cinq ou six sur la table en évitant d’en laisser à l’endroit ou le suivant allait atterrir. Puis, on aplatissait assez fort la pâte, et on la roulait à la main sous forme d’un gros boudin. Le nœud était alors une ligne qui courrait tout le long du boudin et il fallait le placer en dessous. C’était la manipulation la plus difficile et la plus longue et Fernand devait venir m’aider à tout moment. Mes pâtons n’avaient pas de forme, Gilbert lui aussi, venait m’aider entre deux tâches. Mes doigts étaient collants de pâtes dont je n’arrivais pas à me débarrasser. Je pensais vraiment ne jamais y arriver, mais je voyais que le patron et son fils ne lésinaient pas sur la farine dont ils saupoudraient la table et les pâtons et dont ils me suggéraient de me frotter les mains pour me débarrasser de la pâte qui s’y collait.
Enfin, les armoires à platines remplies, se présentait une autre armoire dans laquelle se trouvaient de grandes plaques métalliques. Il s’agissait de nouveau d’écraser légèrement des pâtons de 800 gr et d’en disposer six par grande plaque, le nœud en dessous et de disposer 15 pâtons de 400 gr sur des plaques plus larges et moins longues, de nouveau le nœud en dessous. Je découvris un peu plus tard que ces plaques étaient enfournées telles quelles à l’aide d’une grosse pelle.
Durant le dernier quart d’heure de cette opération de pesage et de façonnage, qui en tout durait environ trois quarts d’heure, Gilbert sortaient des pains du four avec sa pelle et les rangeait sur des chariots ouverts de tous côtés. Je m’émerveillai de voir une telle quantité de pains chauds, colorés et aussi parfumés, mais je ne savais où donner de la tête, je n’avais pas une seconde de distraction et cela me décevait.
Dès que nous eûmes finis de remplir nos plaques, Fernand m’invita à aider à défourner. Alors que Gilbert avait vidé à la pelle le premier étage des deux énormes fours, Fernand s’empara d’un crochet en fer d’un mètre de longueur, fit basculer, à l’aide d’un contre poids, deux portes qui faisaient les deux mètres de largeur du four et sorti, avec son crochet, deux énormes tôles surchauffées, couvertes de platines desquelles émergeaient des pains dorés. Nous devions enfiler des moufles en toile,  sortir les pains des platines, ce qui s’avérait assez difficile pour le non initié que j’étais, mettre ces pains sur des chariots à rayons plats, ensuite ramasser et empiler les platines et les faire glisser dans un coin de l’atelier où des dizaines d’autres platines vides attendaient. S’apercevant que je me brûlai à plusieurs reprises, Gilbert me dit de travailler plus lentement, le temps de m’habituer.
Nous sortîmes alors les chariots de pains chauds dans la cour, sous un grand hangar en faisant attention que ceux-ci ne se trouvent dans le chemin des camionnettes qui allaient partir dans l’heure livrer les pains… de la veille. En effet, à cette époque, l’on mangeait les pains « rassis » et rares étaient les boulangers qui vendaient leur pain chaud et frais.
Le temps de sortir les chariots de pains cuits, la levée des pâtons des paniers et des platines qui reposaient dans les armoires, était suffisante pour qu’on puisse les enfourner. Il fallait alors marquer les pains à l’aide d’une planchette d’où ressortaient des clous qui écrivait un G comme Gilbert. On marquait les pâtons des platines à toute vitesse, tandis que ceux des paniers étaient marqués un à la fois par le patron dès que nous avions retourné le pâton sur sa pelle. Les pâtons des paniers étaient déposés à l’aide de la pelle directement sur la pierre réfractaire des premiers étages des fours, on les  appelait des pains sur le four. On me montra comment placer les platines sur les grandes tôles à présent réchauffées (le temps du défournement refroidissait les fours) et comment vider les paniers sur la pelle que manipulait Gilbert. C’était une opération difficile, j’étais gauche et je remerciais intérieurement Gilbert et Fernand de leur patience. Mais c’était magique ! Bientôt sortirait du four des pains que j’avais façonnés et qui auraient l’aspect de vrais pains !!! D’y penser, j’avais le sourire du garçon heureux. Je me croyais déjà boulanger. Plus tard, quand nous aurions défourné cette production, Gilbert et Fernand me montrèrent en riant, une vingtaine de pains biscornus et craquelés dont j’avais… placé le nœud dans le mauvais sens.
Pendant que nous avions découpé et façonné les pâtons, Gilbert avait préparé un nouveau pétrin de deux cents kilos. L’expression « préparé un pétrin » désignait le fait de faire une nouvelle pâte (un nouvel « appareil » dans le langage professionnel). Le pétrin en question avait une capacité de 250 kg. Le chargement de farine se faisait par un trou dans le plafond, qui donnait dans le grenier à farine, une vanne au plafond permettait d’approvisionner le pétrin en eau.
Aussitôt les pains enfournés, nous devions de nouveau emplir les armoires de paniers et de platines. Celles-ci avaient été graissées la veille, je l’appris plus tard car c’est à moi que cette tâche, la plus ingrate qui soit, incomba durant les deux premières années de mon apprentissage, jusqu’à ce qu’enfin un autre apprenti prenne la relève. Le pétrin se trouvait surélevé, son pied à hauteur de l’immense table à découper. Pour faire basculer la cuve de pâte sur la table, il fallait beaucoup de force pour lever le bras du pétrin, sans le laisser retomber et risquer qu’il cogne les parois de la cuve qui pouvait se fendre. Quand on basculait la cuve, la pâte s’étalait sur la table bordée d’arêtes de 25 cm. Gilbert s’occupait cette opération pendant que nous préparions les armoires. Laisser reposer la pâte cinq minutes rendait celle-ci plus facile à travailler et à peser et cela nous permit de faire une première pause et de prendre la première tasse de café de la journée.
Nous nous remîmes à la découpe et au façonnage. J’avais oublié quand les nœuds devaient aller au dessus ou en dessous, le fatigue me gagnait, je pensais qu’on avait à peine eu le temps de souffler, j’avais travaillé une heure et demie sans arrêt, nous étions repartis pour un autre cycle : découper et façonner, défourner, ramasser les platines, enfourner, sortir les chariots, re-préparer les armoires. L’ensemble de ces opérations se répéta trois fois et je me rappelai que deux fournées avaient déjà eu lieu avant mon arrivée.
Je vécu la dernière fournée en somnambule, ne sachant plus ou j’avais mis ces foutus nœuds qui m’obsédaient et me tourmentaient. Fernand palliait à ma fatigue, Gilbert m’encourageait, me disant que c’était la dernière et qu’ensuite nous pourrions prendre le petit déjeuner. Je tins.  J’avais de la farine des pieds à la tête, mon beau tablier blanc était déjà tout tâché de la graisse des platines, j’avais quelques brûlures sur les avant bras que je m’étais faites en défournant les tôles. Je m’étais même brûlé au genou en me penchant trop en avant. Je tins, mais me demandai si je tiendrais longtemps, si j’y arriverais, si je retiendrais le sens des nœuds, si j’arriverais un jour à rouler les pâtons pour les platines carrées… Qu’en serait-il si un jour je devais moi-même tenir la pelle à enfourner ou défourner. Le désordre de mes pensées me fatiguait encore plus et tout se bousculait dans ma tête. Seule l’odeur parfumée du pain cuit continuait à me motiver. Au petit déjeuner que nous avait préparé Andrée et que nous prenions dans la grande cuisine familiale, elle nous demanda comment cela s’était passé ; Gilbert lui dit que pour un premier jour, c’était pas mal, que j’étais volontaire et courageux. Nous mangions du pain chaud sur lequel le beurre frais fondait, nous le trempions dans de grands bols de café. Toutes sortes de pâtisseries, restes d’invendus sans doute, garnissaient la toile cirée de la table. Cette grande cuisine était simple, accueillante et chaleureuse. J’allais y prendre mes petits déjeuners et déjeuners durant trois ans en compagnie  et dans des ambiances diverses.
Après le petit déjeuner Fernand s’attaqua à la confection des baguettes, j’assistais à cela en spectateur, admirant son savoir faire. Je fus épaté de le voir entailler les baguettes à l’aide d’une lame de rasoir et de découvrir ce que cela donnait à la sortie du four.
Nous étions mardi, nous nous mîmes à graisser les platines. Du beurre avait fondu dans un récipient, nous y trempions une loque dont la saleté était bien avancée et graissions les platines une à une en les serrant contre nos genoux sur lesquels nous avions posé une toile de protection. Fernand m’apprit que le graissage se faisait le mardi, jeudi et samedi.
Je rentrais ce premier jour à 13h30 à la maison et m’endormi comme une masse dans le divan. Je compris plus tard que Gilbert m’avait épargné : il ne m’avait pas demandé de couper les pains, une opération qui prenait deux heures à deux heures trente.
Le samedi de cette première semaine, où je commencé tous les jours à 5 heures le matin, Gilbert me conseilla de bien me reposer le WE et me proposa, si je me sentais prêt à aller plus loin, de me joindre à eux  le lundi suivant, dès la première fournée qui serait prête à … 3 heures du matin.
Je regardais « l’homme du Picardie » qui plissait le front et me souriait semblant dire « tu veux être boulangé ou pas ? »
(A suivre)

lundi 23 avril 2012

Petite visite à Uguzon en Neuvice, ce dimanche et bavardage avec Frédérique, le patron, juste après "le coup de feu" dû sans doute à la foule de Liège-Bastogne-Liège.
Frédérique nous a ainsi appris que une part importante de ses ventes était due aux table de fromage qu'on lui commandait. Ainsi dés la fermeture du magasin ce dimanche, il préparait et allait lui même servir une table pour trente personnes. Il propose trois formules possibles:
-Un repas fromage pour lequel il ne livre que des fromages - un assortiment de 200gr par personnes- il faut compter dans ce cas 4 à 5€/personne
- Un repas pour lequel il livre fromage plus pain, beurre, confiture, sirop et confits, compter 7 à 8€
- La même chose, présenté et servi par lui-même, à discuter selon le nombre de personnes.
Comme nous n'ouvrirons pas les soirées de la semaine à Como en Casa, nous nous sommes dit qu'on pourrait organiser un jour une dégustation de fromages avec Frédérique.
Nous en avons profité pour faire un petit coucou à dodies. Quel beau comptoir de pâtisserie. Laurent a en fait fait transformer un ancien comptoir de boucherie, les pierres noires lui donne un aspect très contemporain et mettent en valeur les couleurs de ses magnifiques gourmandises. J'ai dit la semaine dernière à Gene hormis la glace et le tiramisu ou d'autres fantaisies qu'il me prendrait de faire moi-même, nous comptions nous approvisionner chez Dodies pour nos desserts. Gene est une gourmande et m'a dit qu'elle venait à Como pour la bonne bouffe mais qu'elle viendrait encore plus souvent pour les desserts de dodies.

samedi 21 avril 2012

Des nouvelles de Vega


Nous avons le plaisir de vous communiquer quelques nouvelles de la Coopérative politique VEGA.

Avec une information importante pour commencer : notre Assemblée générale a décidé, ce mercredi, de déposer une liste aux prochaine élections communales à Liège.
http://vega.coop/la-cooperative-politique-vega.html

Quelques semaines plus tôt, nous avions adopté le Manifeste qui définit notre positionnement politique. Vous le trouverez en ligne :
http://vega.coop/presentation/manifeste.html

Nous lançons aujourd'hui un appel aux candidatures et aux soutiens aux personnes et aux groupes qui partagent notre sensibilité. Nous voulons composer une liste grande ouverte aux militantes et militants de terrain :
http://vega.coop/elections/appel-a-candidatures.html

Notre programme est toujours en cours d'élaboration, plusieurs groupes de travail thématiques fonctionnent depuis janvier. Une boîte à idées est cependant ouverte pour recueillir propositions, suggestions et autres interpellations :
http://vega.coop/contact/boite-a-idees.html

Nous profitons aussi de ce message pour vous inviter à la soirée électorale, que nous organisons ce dimanche 22 avril à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle française :
http://vega.coop/soiree-electorale-premier-tour-de.html

Enfin, pour rejoindre la coopérative, c'est ici que ça se passe :
http://vega.coop/adherer/formulaire.html

Au plaisir de vous lire ou de vous rencontrer,

L'équipe de VEGA


PS : N'hésitez pas à faire suivre ceci autour de vous...

PS : Pour vous désabonner, il suffit de le demander.


--
Suivez-nous sur le net :

Twitter :
https://twitter.com/CooperativeVEGA

Facebook :
http://www.facebook.com/cooperative.vega

Google+ :
https://plus.google.com/u/1/104071113547113559114/posts

Notre site :
http://vega.coop/

vendredi 20 avril 2012

Quelle richesse dans le débat, quel respect de la parole de l'autre, l'assemblée de VEga a été un exemple de débat démocratique, d'échange et d'écoute. Cela nous plus forts pour entamer une nouvelle étape dans la vie de notre coopérative politique: la sensibilisation et la mobilisation des citoyens et le combat électoral. vega, j'en suis et suis fier d'en être. Et toi?
Voici notre communiqué

La Coopérative politique VEGA déposera une liste aux prochaines élections communales à Liège

Communiqué, 20 avril 2012
La Coopérative politique VEGA, pour « Verts et à gauche », réunit autour de trois mots d’ordre — socialisme, écologie, démocratie — des citoyennes et citoyens liégeois désireux de s’impliquer dans la vie publique de leur ville. Fondée le 14 janvier dernier après plusieurs mois de préparation, elle regroupe aujourd’hui près de 200 personnes.
Son Assemblée générale, réunie ce mercredi 18 avril, a voté le principe du dépôt d’une liste estampillée « VEGA » pour l’élection communale du 14 octobre prochain, à Liège. Forts de nombreux contacts, tout sera mis en œuvre pour réunir, dans les prochains mois, 49 candidates et candidats représentant la diversité humaine de la Ville de Liège ainsi qu’un programme complet, fort de propositions innovantes concernant tous les grands sujets de préoccupations des citoyens d’une grande ville, sans oublier les moyens financiers nécessaires et indispensables à faire parvenir une information à l’ensemble de nos concitoyens.
La liste VEGA sera ouverte aux organisations de gauche et aux citoyens qui partagent les préoccupations et l’analyse développée dans notre Manifeste. Nous voulons prioritairement construire cette liste avec des citoyens-acteurs, porteurs de combats de terrain, associatifs, syndicaux ou culturels.
Alors que la politique d’austérité n’est sérieusement contestée par aucune force politique représentée actuellement au sein du Conseil Communal liégeois, alors que la désespérance grandit parmi nos concitoyens, alors que la dynamique du Front de Gauche français montre qu’il n’y a nulle fatalité, nous pensons qu’il existe un large espace politique entre la gauche traditionnelle, écologiste ou sociale-démocrate, démissionnaire de son ambition émancipatrice et l’extrême-gauche, qui se contente d’une posture de témoignage. Nous voulons contribuer à construire cet espace qui devra selon nous associer le rouge et le vert, la construction de nouvelles solidarités et une vraie prise en compte de la dimension écologique. Militants associatifs et syndicaux, amoureux de Liège, nous voulons partir de la base : la commune et les enjeux politiques de proximité dont elle s’occupe (le logement, la mobilité, l’action sociale, l’enseignement,...).
Le travail programmatique entamé en janvier est toujours en cours : nous aurons l’occasion de présenter dans les prochaines semaines et les prochains mois les principales propositions que nous formulons pour rendre notre ville plus solidaire, plus écologique et plus démocratique.
Nos assemblées de mai et juin désigneront celles et ceux qui porteront nos propositions devant les électeurs.
Parallèlement et de façon complémentaire à cet engagement électoral, VEGA entend développer un travail d’éducation citoyenne et populaire dans la durée. Notre objectif général est de fabriquer ensemble des outils pour reprendre le contrôle de notre destin collectif, des outils pour que chacun puisse devenir un citoyen actif dans son quartier, dans sa ville.
Modestement mais avec sérieux, VEGA entend redonner au citoyen le goût de la politique. Quand l’air du temps est à considérer la politique comme une chose sale, nous voulons y plonger nos mains de simples citoyens pour rendre les institutions publiques plus attentives aux préoccupations populaires.
 

jeudi 19 avril 2012

l'abattoir d'Anderlect

Offrez-vous un voyage international pas cher. L'Afrique et l'Asie réunies pas loin de chez vous: l'abattoir d'Anderlecht. Mercredi dernier, nous nous sommes offerts Marlène et moi, notre destination préférée, Bruxelles.
Nous devions nous rendre au consulat d'Espagne pour le renouvellement du passeport de Marlène. Cette formalité accomplie, nous avions décidé d'aller nous balader autour de l'abattoir d'Anderlecht pour visiter les vendeurs de matériels horeca, très nombreux dans le coin. Comme d'hab, nous avons eu de la chance et sommes tombés sur un marchand et des offres plus qu'intéressantes de matériels de qualité pour la cuisine, venant ...du Portugal. Cela nous a pris deux bonnes heures de faire un relevé des prix, le plus complet possible. Ensuite, direction l'abattoir lui-même.
Il m'était arrivé, lorsque j'étais directeur du CIRE, de «fuir» sur le temps de midi, les bureaux de la rue du Vivier à Ixelles pour aller flâner et m'immerger dans le brouhaha du marché de l'abattoir. Je crois que c'est sans aucun doute le lieu le plus cosmopolite, le plus bigarré et le plus métissé de Belgique. Toutes les nationalités, toutes les couleurs de peau, toutes les langues s'y côtoient, se croisent, se rencontrent dans une ambiance presque villageoise.
Ce sont des centaines de stands qui sont installés sous la magnifique et immense halle métallique. Vous y trouvez absolument de tout, les vêtements pour toute la famille, de 1 à 5 €; la quincaillerie, les sacs, les valises, l'outillages, l'alimentation, fruits et légumes et tout ce que vous pouvez imaginer.
Des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants déambulent, cela discute et cela marchande; Cela crie et cela chante, cela s'arrête, se regroupe, dépose les sacs remplis d'achat, cela rit, prends des nouvelles de la famille, cherche un moyen de locomotion pour transporter toute cette marchandise achetée et ces sacs trop lourds et trop remplis.
Marlène et moi avons retrouvé cette ambiance que nous aimons tant. Rien ne nous fait plus plaisir que de voir ces groupes de femmes heureuses et de tenter de reconnaître leur origine de polonaise, russe, roumaine, indienne, chinoise, Balkans... de les voir se mélanger, se faire expliquer les achats et les marchandise exposées; A l'extérieur du périmètre de l'abattoir lui-même, les magasins spécialisés foisonnent: « Toutes les Spécialités Polonaises » affiche l'un,  «Toutes les Spécialités Italiennes, russes... et à l'intérieur, derrière les grilles en fer forgés, le voyage continue. Je crois que c'est la Roumanie qui a la palme du comptoir le plus long. « Toutes les Spécialités de la Roumanie » dont la richesse nous épate.
Le marché est bordé de petits buis-buis où vous pouvez boire et manger. On vous sert des assiettes -en plastic- généreusement garnies de spécialités de tous les pays. J'aurais voulu aller tâter du « Persian food », mais nous avions décidé d'aller manger à la maison du peuple de Saint Gilles, de nous y imprégner d'éléments de décors que nous voudrions décliner dans notre futur restau.
Au milieu de l'immense esplanade de l'abattoir, il y a bien entendu le marché (couvert) aux viandes.
Moutonneries et chévreries sont bien sûr dominants. Mais nous étions vendredi et sommes tombés sur deux étals vendant cochons et porcelets. Soyons clairs, vous n'avez pas affaire à de la viande bio, mais à titre d' information, sachez que vous pouvez y acheter des porcelets, nettoyés et vidés, prêts à être embrochés et tourner autour du barbecue. Le porcelet de dix kilos est à cinquante €. L'agneau, dans le même état, pèse de 6 à 8 kilos et se vend 11€ le kilo.
Le marché se tient les vendredi, samedi et dimanche; Le vendredi est le meilleur jour si vous voulez éviter la vraiment trop grande influence et c'est le seul jour ou le marchand de porcelets est présent. Les marchands commencent à remballer vers 14h30. Si vous y allez, soyez relax, soyez vous-mêmes, vous ne risquez rien, tout le monde y est chez soi, vous aussi. Inutile quand même d'ouvrir vos poches et vos sacs aux pickpockets, prenez les petites précautions élémentaires.
Un conseil, garez vous dans les environs de la gare du midi et montez à pieds vers l'abattoir, cela ne vous prendra pas plus de dix minutes. (nous nous sommes garés au boulevards Poincaré, il y a souvent de la place.); En effet, quelques rues des environs de l'abattoir sont essentiellement occupées par les acheteurs-revendeurs de voitures d'occasion qui partent vers l'Europe centrale ou des destinations plus lointaines. Les camions de transports de voitures font le plein devant vous. Suis pas sûr que toutes ces voitures ont été acquises comme il se doit. Inutile donc de faire cadeau de votre guimbarde aux trafiquants.

Bonne visite et si vous y allez, faites-moi part de vos impressions

Bon, ceux et celles qui sont passés en Hors Château ont bien vu que cela travaillait dans notre futur installation. En principe, on sera dans les temps pour l'ouverture le 18 août. Bloquez déjà la date. Pour le moment, les démolisseurs déshabillent le bâtiment, et plus ils le déshabillent et plus cela nous plaît. Ce sera unique, comme le lieu unique de Nantes dont je vous ai déjà parlé: notre rêve. Vivement août qu'on se retrouve.

Dernière chose, merci pour vos compliments et encouragements quand à ma fiction en cinq épisodes. Allei, à la semaine prochaine.

mardi 10 avril 2012

cachez-vous sous les bancs (5 et fin)


Le buffet des nourritures du monde me parut pantagruélique. Le curry et le curcuma dominaient et je m’aperçus qu’il y avait peu de viande. Quelques boulettes d’hachés au cumin et de toutes fines escalopes qui se dégustaient comme des friandises. Les salades très colorées, les légumineuses et le riz étaient dominants. Vingt cinq ou trente personnes partageaient le repas, dont mes deux nounous. Eterno me présenta les invités individuellement. J’appris ainsi que mes deux nounous étaient en fait mère et fille. On appelait la maman Aamal, ce qui voulait dire Espoir. Elle avait 98 ans. Sa fille se prénommait Ahlem qui signifiait rêves et douceurs. Elle allait sur ses 81 ans. Je constatais que tout le monde les traitaient avec gentillesse et affection et qu’elles émiettaient leurs boulettes de viande et leurs fallafels avant de les porter à leur bouche édentée.
-          Elles t’accompagneront dans ta chambre tantôt, laisse les t’administrer leur traitement, me glissa Eterno avec un sourire mystérieux.   
Les spéléologues avaient troqué leur salopette pour une tenue de ville. Deux d’entre eux étaient historiens. Ils s’excusèrent pour la descente surprise du puits de Païenporte. Nous échangeâmes bien entendu sur la ville souterraine. Ils m’expliquèrent à leur tour, qu’il était normal qu’une ville millénaire comme l’était Liège soient traversés de galeries et cavités de toutes sortes. Quelques mois auparavant, on avait du bloquer la circulation des trains à la gare du Palais et on avait fait appel à eux pour aller constater l’effondrement d’une ancienne galerie minière sous la gare. Il avait fallu y faire des travaux d’étançonnement.  Eterno me présenta Zeineb dont l’origine était le nom d’un arbrisseau qui pousse dans le désert et porte des fleurs très parfumées. La Zeineb que j’avais devant moi n’était pas un arbrisseau mais une belle jeune femme d’origine turque, sociologue de formation qui se chargeait, dans la communauté, du recueil des témoignages des membres ; ces fameux témoignages que l’on enfermait ensuite dans les bouteilles que j’avais pu voir.
A propos de bouteilles, un silence presque religieux vint interrompre à un moment le brouhaha des conversations. Un participant que l’on ne m’avait pas encore présenté, venait de nous servir un verre de vin qui s’avéra être un Romanée-Conti. C’était la première fois que j’avais l’occasion de déguster ce vin prestigieux. Il ne s’en produit que 6000 litres par an et est habituellement réservé aux collectionneurs ou aux tout grands acheteurs.  J’avais lu qu’une caisse de je ne sais quel millésime avait atteint la somme de 350 000 dollars dans une vente à Hong Kong. Le prix du flacon de Romanée-Conti de l’année 1995 avait lui était fixé à 5000€ et les acheteurs ne pouvaient en acquérir que deux bouteilles. Celui que nous dégustions avait été trouvé dans une cave d’un deuxième sous sol de ce qui devait être un couvent. Elle contenait des centaines de bouteilles des plus grands crus français et l’absence de lumière avait favorisé la conservation de bouteilles datant parfois du début du vingtième siècle. Ce n’est qu’en de grandes occasions que nous consommons ces nectars, me chuchota Feri.  Nez, longueur, rondeur  pensai-je après la première gorgée. Vieille terre, vieux bois, vieux cailloux me vinrent en tête après la deuxième.
Il était près de trois heures du matin quand nous nous séparâmes et qu’Aamal et Ahlem me guidèrent vers ma chambre. Elles m’aidèrent à me déshabiller et me firent m’étendre, nu comme un ver, sur un tapis au sol. Elles se mirent alors à me piétiner comme un vulgaire paillasson. J’eus d’abord quelques craintes mais me rappelai les paroles d’Eterno et me rendis vite compte qu’elles ne me faisaient aucun mal. J’avais déjà entendu parler de ces massages par les pieds. Dans mon cas, elles utilisaient tant les pieds que les mains, dans une synchronisation parfaite ; quand l’une tournait mon buste vers la gauche, l’autre tordait mon bassin vers la droite et j’entendais mes articulations craquer aussi fort que le plancher du grenier qui nous hantait tant, mes frères et moi, quand nous étions enfants. Quand après ce qui me parut être une demi heure, elles arrêtèrent leur trituration, j’avais l’impression d’avoir grandi de dix centimètres et j’aurai pu prendre un crayon et écrire avec mes orteils qu’elles avaient massé un à un. Je transpirais par tous les pores de ma peau qu’elles rafraîchirent avec de gros cotons ouatés  imbibés d’eau de rose.
Je me souviens encore qu’elles m’aidèrent à me glisser sur un matelas moelleux et qu’elles me couvrirent d’une couette aussi épaisse que légère juste avant que je ne sombre dans un sommeil doux et profond. J’étais ravi d’être ainsi repassé un petit moment en enfance. Il était six heures quand je me réveillai et je savais que cela signifiait dix huit heures, j’avais donc dormi près de 14 heures d’affilée, ce qui, je pense, ne m’était jamais arrivé.
Je retrouvai Eterno qui avait prévu que nous passions la soirée ensemble et mangions en tête à tête. Il me parla des différentes périodes de sa vie. Il avait traversé l’Europe en tout sens ainsi que les trois derniers siècles où les périodes de guerre avaient été bien plus nombreuses que les périodes de paix. Il avait quitté la Roumanie, à l’époque une partie du territoire de l’Autriche-Hongrie, à l’adolescence, seul car sa famille avait été décimée. Il s’était fixé  à Liège qu’il estimait le point de passage presqu’obligé de ceux qui voyageait d’Est en Ouest et du Nord au Sud.
-          En ces temps, Mario, si l’on voulait apprendre, s’informer, s’enrichir, c’était auprès des voyageurs qu’il fallait le faire.
Ses voyages ne l’empêchèrent pas de fonder une famille et d’avoir des enfants. Je lui posais alors la question qui me taraudait depuis le début de notre rencontre, dont je ne savais plus si elle remontait à deux ou trois jours, question dont la naïveté ferait sans doute sourire mon interlocuteur. 
-          Eterno, êtes-vous Dieu ? Ou alors un dieu ? Si j’ai bien compris, votre vie n’a eu ni commencement et n’aura pas de fin ?
Eterno sourit en effet
-          Je comprends que tu te poses cette question me dit-il. Mais je ne suis pas Dieu, ni un dieu quelconque, me dit Eterno. j’ai eu un commencement, il y a un peu plus de 275 ans quand un autre Eterno a jeté son dévolu sur moi et m’a demandé de prendre sa succession, et j’aurai une fin, quand moi-même je passerai le flambeau à celui ou celle qui sera prêt à me succéder.
-          Mais pourquoi, m’étonnai-je, pourquoi renoncer à cet extraordinaire, fabuleux cadeau qu’est l’éternité ? N’est-ce pas l’obsession de l’homme que de devenir éternel, de vaincre la mort, de devenir dieu. Que ne serions-nous pas prêt à faire pour traverser les siècles futurs et devenir immortel? Certains paient des fortunes pour que l’on conserve leur corps congelés jusqu’à ce que la science soit prête à leur redonner la vie.
-          Je sais les fantasmes et les obsessions des hommes, Mario. Surtout dans nos sociétés contemporaines, où l’on court sans réfléchir et on nie la mort qui pourtant est présente chaque jour. Mais as-tu déjà réfléchi à ce qu’est mon éternité. J’ai vu mourir ma femme, mes enfants, mes petits enfants. Dieu merci, mes descendants existent encore et ont fait leur vie. J’en rencontre encore de temps à autres mais ils ne me connaissent pas, ils m’ont oublié et je les comprends. Sais-tu combien il peut être pénible de faire son arbre généalogique à l’envers ? De plus me dit-il, dis-moi selon toi combien devrait durer l’éternité ? Pour quoi, pour aller où, pour rencontrer quoi ou qui ?
-          Pour certains ce serait d’enfin un jour connaître le monde pacifié, m’exclamais-je. Pour d’autres qui auraient raté leur vie, c’est de la refaire autrement, de rencontrer le grand amour qu’ils n’ont pas connu par exemple. Que sais-je encore !
-          Bien sûr que souvent chacun rêve d’un jour connaître un monde harmonieux et en paix ? Et pourtant, je vois ce monde passer sans s’améliorer. Les progrès techniques s’ils ont soulagé les tâches et le travail des hommes, n’ont apporté ni harmonie, ni équilibre, ni justice. Bien sûr, je ne désespère pas que nous y arrivions. Mais combien de siècle faudrait-il vivre et se battre pour un jour vivre ce rêve ? Ne crois-tu pas que nous laissons passer les choses, en espérant qu’elles viendront demain d’elles-mêmes parce que le temps aurait joué. Ceux qui n’ont pas rencontré le grand amour comme tu dis, ne l’ont-ils pas simplement laissé passer, n’ayant pas le courage de saisir la main qui se présentait, ou oubliant de le faire parce que préférant courir la frivolité. Crois-tu vraiment que l’éternité leur apportera une deuxième chance? Pourquoi ferions-nous plus tard ce que nous sommes incapable de faire dans le présent ?
J’étais ébranlé, je réfléchissais à ce que venait de me dire Eterno et reconnus que si, à l’occasion de décès de proches, je m’étais posé ces questions, j’avais renoncé à tenter d’y apporter une réponse. Quelle est la bonne durée d’une vie ? Les cinquante ans qu’avait vécus ma mère ? Les soixante ans de Paco. Les nonante ans d’Aamal ? Le bonheur est dans le présent et dans ce qu’on en fait pensais-je.
En fait, rêver d’éternité était une manière de se mettre en attente, en attente d’un monde qui viendrait seul. Le rêve de longétivité n’était-il pas simplement un renoncement, un manque de courage ?
-          Nier la mort, c’est bien souvent nier la vie, dit Eterno comme s’il lisait dans mes pensées.
-          Oui mais toi, dis-je légèrement agacé, quel est le sens de ton éternité ?
J’étais passé au tutoiement sans y réfléchir.
-          Ce n’est pas un privilège, contrairement à ce que tu penses, me dit-il. Nous sommes quelques uns à porter cette charge. Je t’ai dit combien cela m’était difficile. Crois-tu que c’était de cela dont je rêvais, mendier en me faisant passer pour un tuberculeux ? Nous sommes là pour témoigner, transmettre une histoire ou des histoires parfois oubliées et enfouies au plus profond. Justement pour dire aux hommes, n’attendez ni miracle, ni un temps qui ne viendra pas, faites aujourd’hui ce qu’il y a à fair, j’en ai trop connu qui ont attendu et sont morts sans avoir vu.
-          Vous êtes donc plusieurs, vous formez un groupe ?
-          Non, nous ne nous connaissons pas, mais je ne peux me croire unique, je pense qu’il y a d’autres Eterno dans d’autres parties du monde.
J’étais confus, je ne savais si je devais croire ce qu’Eterno me disait. Cela paraissait tellement incroyable, fantasmagorique et pourtant il m’inspirait confiance et je sentais que cela pouvait être vrai. De nouveau, Eterno, qui paraissait de nouveau soucieux, sembla lire dans mes pensées.
-          Mario, je t’ai dit quand nous nous sommes rencontrés que j’avais trois choses à te demander. Outre que je voudrais que tu t’occupes de Darline et que tu nous aides à nous débarrasser des trafiquants d’armes, je voudrais… que tu me soulages de ma mission, que tu prennes ma succession. Il te reviendra de témoigner et de transmettre la vie des prochaines décennies.
Je ne sus que répondre et désarçonné m’en tirai en lui demandant simplement de me laisser quelques semaines de réflexion.
-          Bien sûr, que sont quelques semaines face à l’éternité ? Ironisa-t-il.

Epilogue
Le lendemain de cette discussion avec Eterno, je quittai les sous sols et rentrai chez moi terminant ainsi après trois jours cette promenade commencée à la citadelle. Juste à temps, et cette fois sans faire de dégâts ni emprunter la voiture d’Ahmed, pour préparer la maison en vue du retour de Marlène. Je lui racontai tout ce que j’avais vécu ces derniers jours. Elle n’y crut que quand je l’emmenai à son tour dans les sous sols liégeois rencontrer mes nouveaux amis.
Depuis, je fréquente la communauté très régulièrement et suis devenu un des leurs.
J’avais émis une stratégie simple pour nous débarrasser des néo-nazis trafiquants d’armes, sans que nous ayons à les affronter directement et sans faire courir le moindre risque à la communauté. Ce n’est que tout récemment que le dénouement a eu lieu. Nous avons, à une douzaine, déménager toutes les armes et les munitions dans les caves de notre futur nouveau restaurant en Hors Château. Nous avions laissé un message en allemand : vos armes ont été transférées au 78 rue Hors Château, vous pouvez entrer par le volet métallique qui se trouve rue de la Poule.  Le matin du mardi 27 mars, j’étais allé voir un procureur, client de Como en casa, qui  avait organisé chez nous à la place Saint Etienne, le repas annuel de ses collègues. Je lui expliquai simplement que j’avais découvert ce stock d’armes en préparant l’aménagement du sous sol de nos nouveaux locaux et que j’avais constaté que les trafiquants y venaient un mardi sur deux et qu’ils y viendraient logiquement ce jour. Cinquante policiers furent mobilisés pour boucler discrètement le quartier. Seul deux hommes résistèrent et allèrent jusqu’à ouvrir le feu. Ils furent abattus sur place. Les autres furent arrêtés et déférés au parquet. Il s’avéra très vite qu’il s’agissait des mêmes néo-nazis qui avaient fait le coup de force dans l’usine Meister à Sprimont. Recrutés par le patron, ils avaient envahis les locaux de Sprimont, en chassant les ouvriers, détruisant leurs effets personnels et embarquant la production vers la nouvelle usine installée en Europe centrale. La police n’avait rien pu faire. Nous avions donc fait coup double ce 27 mars: justice était faite pour les travailleurs de Meister et  Eterno et ses amis pouvaient continuer leur œuvre en paix et en sécurité. Quelques jours plus tard les travaux démarraient dans notre bâtiment au coin de la rue de la Poule et de Hors château. Juste au dessus des souterrains qui abritent la communauté.
Je rencontre régulièrement Aamal et Alhem, je leurs apporte des friandises qu’elles adorent mâchouiller. Elles s’amusent parfois à me décorer la figure de teintures de leur fabrication. Elles s’inquiètent et me disent de prendre soin de moi et de venir me faire masser de temps à autres. Ahlem dit que si elle m’avait rencontré plus jeune, elle m’aurait épousé.
Il m’arrive souvent de croiser Darline en Hors Château, sa main dans la main de Paquita. Après tout, Paqui est pédopsychiatre et avait accepté, sans hésitation, d’accompagner la thérapie de Darline au quotidien. Quand elle me voit, Darline court et saute dans mes bras comme le font mes petites filles Elina et Elsa. La dernière fois, elle m’annonça toute excitée qu’elle aimait beaucoup sa nouvelle institutrice qui s’appelle Anwaar. Plus tard, Eterno m’apprit qu’en arabe, Anwaar signifiait rayon de lumière.
Aujourd’hui, Paquita et Darline sont devenues inséparables. Quand on les voit marcher dans les rues de Liège, Darline calquant sa marche et son allure sur celle de Paqui, on ne peut s’empêcher de penser à deux femmes touaregs fendant les vents et les sables du désert pour marcher vers le soleil.
Je me déplace souvent en Outremeuse pour prendre un verre avec Feri qui refuse de traverser le pont.
-           -Mon village c’est Outremeuse  et le centre de mon village c’est la place de l’Yser, me dit-il.

Enfin, au long de ces trois mois écoulés, Eterno et moi avons eu de nombreux et longs échanges. Aujourd’hui ma confiance en lui est totale et je lui ai donc fait part de ma décision quand à la proposition qu’il m’avait faite de lui succéder.
Il me fit promettre de garder le secret absolu sur la réponse que je lui ai donnée.

jeudi 5 avril 2012

Cachez-vous sous les bancs (4)


Eterno tenta de me rassurer et s’excusa de ne pas m’avoir mieux averti de cette rencontre avec Darline ; Il me raconta son histoire et me dit que sa mère l’accompagnait et qu’elle était entourée au mieux. Il pensait que j’étais mieux placé pour prendre contact avec des psychiatres spécialisés dans l’accompagnement des traumatismes lié à la guerre et à l’exil.
J’acceptais évidement de m’en occuper et de prendre les contacts nécessaires.
-          Je crois que je n’ai pas besoin de te présenter la personne qui va te guider dans la découverte des sous sols liégeois.
Je me retournais et fut complètement surpris. Feridoun !! Feri, ça alors!! Celui-ci riait de bon cœur, comme toujours et nous tombâmes dans les bras l’un de l’autre nous embrassant avec force tapes dans le dos.
Je connaissais Feri, c’est ainsi que ses amis l’appelait, depuis une quinzaine d’année, quand nous l’avions engagé avec 11 autres réfugiés pour tenir différents rôles à l’intérieur de l’expo du CIRE en 1996
Feri était un personnage terriblement attachant malgré sa tête complètement hirsute. Il avait les yeux charbonneux, les sourcils broussailleux, un long nez courbé de travers recouvert de poils, Une barbe terriblement drue et qui ne rencontrait que rarement une lame gilette, autant d’attributs qui lui donnait l’apparence d’un mineur de fond. Il faisait penser immanquablement à Anthony Quinn dans ses rôles les plus trash. Mais Feri était d’une gentillesse à toutes épreuves et  dans tous ses rapports évitait avec doigté toute discussion qui aurait pu froisser ou contrarier son interlocuteur. Il avait fui son enrôlement dans l’armée iranienne dans les années nonante au moment où la guerre avec l’Irak menaçait encore. «  le gaz moutarde, c’est pas ma tasse de thé » me dit-il un jour.
Outre ses poésies qu’il écrivait la nuit, Feridoun dessinait et peignait avec un certain talent mais doutait qu’il eut pu en vivre. Il avait trop de passion pour se concentrer sur une seule. Il avait étudier tous les grands classiques de la philosophie et pouvait vous entretenir de Platon, de Spinoza, de Schopenhauer ou de Nietzsche. Ses amis évitaient le plus soigneusement possible les sujets qui pouvaient l’entraîner sur ce terrain car alors ils y passaient la nuit. Pour Feri, il était évident que tous ces philosophes étaient d’accord sur l’essentiel, à savoir que l’homme se construit et construit son identité dans sa relation et son opposition aux autres hommes.  L’homme était « un être social, une production sociale et rien d’autre », assénait-il. Il tenait pour acquit que ce qui opposait les grands courants philosophiques portait uniquement sur le fait de savoir si les hommes avaient pu construire au long de  leur histoire collective chaotique, un socle suffisant de valeurs communes qui puisse définir le comment vivre ensemble. « Visiblement, au vu du monde tel qu’il va, la réponse est non », pensait Feri, ». Il était persuadé que la solution se trouvait dans une synthèse alliant Spinosa et Kant  mais avait renoncé à aller plus loin dans ce domaine quand il découvrit que l’Europe et l’Occident était peu à peu envahis par les différents courants venus du Bouddhisme.
Ceux-ci, alliés aux grands courants psychanalytiques, avait réussi à se faire passer pour une non religion et convaincre les plus érudits que le bonheur était affaire de chaque individu qui avait à le trouver au fonds de lui. « Le bonheur et l’équilibre est à chercher dans la plénitude intérieure » proclamaient ces nouveaux courants. «  Je n’ai pas envie de chercher la vérité dans mon sperme et dans mes selles » avait décrété Feri.
Il s’était alors jeté à corps perdu dans l’étude des mathématiques et de la physique classique, espérant que ces sciences exactes ne se laisseraient pas contester par de doux rêveurs. Il y passait des nuits entières accompagné de ses bouteilles de whisky. Nous étions quelques uns à regretter sa période philosophique et à nous inquiéter pour sa santé. Surtout si nous le rencontrions le matin sortant de chez lui, hagard et plus hirsute que jamais, allant prendre son café chez ses amis turc « la seule méthode pour faire du bon café est la méthode turque » disait-il. Nous pensions que Feri sombrait peu à peu dans la folie. Il s’enivrait tant de whisky que de formules algébriques kilométriques. Il s’était mis à contester certaines équations d’Einstein en nous expliquant que suite à ces erreurs une grande partie du monde scientifique faisait fausse route et faisait perdre un temps fou au progrès et à l’humanité. J’étais privilégié parmi ses amis, car Feri voyant que je ne comprenais rien à son charabia avait décidé que j’étais un rêveur métaphysique irrécupérable.
Nous nous sentions impuissant à l’arrêter dans cette recherche  éperdue, fougueuse, désordonnée et insatiable de LA vérité. Nous crûmes tous qu’il était définitivement perdu quand il nous expliqua qu’il mettait au point, grâce à des algorithmes et autres outils mathématiques, une méthode qui lui permettrait de déterminer le nombre exact de galaxies que contenait l’univers. Que cette étape lui était indispensable pour contester les grandes théories popularisées par Hubert Reeves ou Albert Jacquard. Ceux-ci affirmaient que l’apparition de la vie bactérienne sur terre et son évolution vers le développement  de l’animal hors de l’eau et finalement l’apparition de l’homme et de l’intelligence étaient la somme d’une telle quantité de chances et de hasards qu’il était impossible que ce processus se soit reproduit sur une autre planète. « Tout cela c’est pour nous faire accepter la main invisible du marché » hurlait Feri.
Pourtant Feri survécut à ses dérives. Peu à peu, nous arrivâmes à le sortir de ses obsessions, à l’intéresser de nouveau aux plaisirs quotidiens, aux soirées et repas entre amis où nous évitions une trop grande disponibilité d’alcool. Ses amis turcs le prirent avec eux pour les aider dans leur petit restaurant et non seulement Feri se remit à la poésie mais aussi à dévorer nombre de romans qui ne menaçaient en rien son intégrité mentale. Il avait peu à peu retrouvé le sourire et le rire. De plus en plus ses phrases se terminaient alors par de grands éclats : ah !ah !ah !
-          Que fais-tu dans ces catacombes lui demandais-je ? Pourquoi vivre ainsi dans les ténèbres et les sous sols ?
-          Nous n’y vivons pas Mario, nous vivons, pour la plupart d’entre nous dans la vie normale, dans la ville. Ici c’est notre lieu de rencontre. Seule une minorité y vit, mais de façon temporaire, parce que nous jouons pour ceux qui en ont besoin, un rôle de refuge provisoire, le temps qu’ils retrouvent leur marque et leur capacité à affronter le quotidien. Pour le reste, quand nous venons ici, c’est parfois pour chercher de l’information, pour rencontrer d’autres membres de la communauté, pour aider dans telle ou telle organisation d’un service.
-          Mais vous voulez quoi ? Comment vous définissez-vous ? Tu parles de communauté mais dans quel sens ? Religieux ? Sectaire ?
-          Tu me vois moi dans une secte ? Un laïc comme moi qui ait fui un pays pollué par la religion et le fanatisme ? Ah, ah, ah, s’esclaffa Feridoun. Très sérieusement, nous sommes plutôt une ONG si tu veux une définition. Nous nous organisons pour aider. Notre première mission est de protéger les citoyens et la ville de toute menace extérieure. Dieu merci, elles sont peu nombreuses, mais elles existent. Eterno t’en parlera. Nous sommes de toutes nationalités, une bonne moitié des membres est de nationalité belge. Enormément de professions sont présentes: enseignants, comptables, avocats, médecins, historiens, informaticiens, diverses professions manuelles… Ne crois pas que ce sont des marginaux qui sont ici. Tiens ceux que tu vois là, me dit-il en me désignant une grande table autour de laquelle travaillaient une dizaine de personnes à l’aide d’ordinateurs et qui se retournèrent pour me saluer, sont la crème des informaticiens. Je crois bien que nous sommes les plus pointus en matière de recherche d’informations et de base de données. Ils sont un peu hackers, mais c’est pour le bien du peuple Ah ! Ah ! Ah.
-          Retrouvant son sens de l’humour il me dit : tu vois Mario, moi je trouve que ces sous sols sont la traduction la plus concrète de ce qu’est le matérialisme historique ah ! Ah ! Ah ! Ici toutes les dialectiques sont à l’œuvre ! la dialectique du réel et du caché Ah! Ah ! Ah ! de la clarté et des ténèbres ! De la loi et de la liberté ! Ah ! Ah ! Qui est libre Mario, ceux qui vivent dans la lumière, au grand jour, ou ceux qui sont dans les ténèbres mais voient ce que beaucoup ne voient pas ? Ah ! Ah ! Ah ! 
Je crus que de nouveau Feri avait replongé dans la folie. Mais il riait et me guidait de souterrain en cave, de la gare du Palais où il m’expliqua « nous avons perdu un beau morceau de territoire avec le parking du Crowne Plaza, » nous redescendîmes vers les énormes sous sols de Saint Léonard et allâmes jusqu’aux locaux souterrains qui a une époque étaient occupés par la SNCB à Vivegnies. « Qui de la SNCB sait encore que ces beaux locaux existent ? » me dit Feridoun. Partout où nous passions, des gens s’affairaient, paraissaient occupés, se retournaient sur notre passage et me saluaient en souriant, comme si ma venue avait été annoncée.
-          Tu vois cette belle salle carrelée de jaune, regarde ces bouteilles.
De fait, il y avait là des centaines si pas des milliers de bouteilles telles que celles rencontrées à la citadelle.
-           Ce sont les histoires de tous ceux qui sont passé ici, m’expliqua Feri, que peut-être dans plusieurs diziane d’années  les gens qui les découvriront, découvriront avec elles une histoire dont on ne parle jamais.
-          Une sorte de musée des immigrés ou de l’immigration lui suggérai-je ?  
-          Non Mario, ici, dans notre communauté, les termes immigration, sans papiers, réfugiés ont été bannis. La société et le pouvoir ont tellement criminalisé ces termes qui désignent les étrangers, que nous préférons ne plus les employer. Nous parlons de la population mondiale en mouvement par exemple. Cela remet tout le monde sur pieds d’égalité. D’ailleurs beaucoup viennent ici pour cela. Ici ils ne sont plus des étrangers ou des demandeurs d’asile, ils sont Joseph ou Jean, Marie ou Aïcha, ils sont père ou mère, ils sont comptable, médecin ou journaliste. Ici ils ne sont plus les parias qu’on a fait d’eux à la surface. Ils viennent respirer et retrouver leur véritable identité.
Feri voulu m’emmener vers d’autres endroits mais j’étais passablement fatigué, il était près de minuit et je voulais qu’on me dise clairement ce qu’on attendait de moi. Nous retournâmes dans les caves Hors Château
-          un bon repas nous attend Mario.  Eterno te dira le pourquoi il t’a fait venir. Saches juste une chose, regarde ce tunnel très large là-bas, c’est un endroit où nous n’allons plus car trop dangereux mais que nous voudrions récupérer. Eterno t’en dira plus.
Il était évident que je ne rentrearis pas chez moi ce jour là et que je serais amener à passer la nuit dans cet endroit. Je m’y sentais maintenant en sécurité, ne fut-ce que par la présence de Feri. Marlène était en traduction en Allemagne encore pour deux  jours, je n’avais aucune contrainte.
Dans une salle merveilleusement décorée, une magnifique table était dressée.
-          Réjouis-toi me dit Feri, tu vas avoir droit à un buffet des nourritures du monde.
-          Evidemment si vous me prenez par les sentiments.
Eterno s’inquiéta de savoir si la visite m’avait intéressée.
-          Bien sûr dis-je, c’est surprenant et je veux vraiment croire que vos visées sont pacifiques et démocratiques. J’aimerais rencontrer ces gens, faire connaissance et en savoir un peu plus sur leurs motivations à eux mais aussi les vôtres et le pourquoi vous m’avez attiré ici. J’imagine que même si j’y accorde énormément d’importance, vous aviez d’autres choses à me demander que d’aider Darline ?
Eterno paraissait soucieux. J’étais frappé par le ton mat de sa peau et sa couleur entre le brun et le noir. La peau du visage n’avait aucune ride et semblait complètement imberbe et cela m’avait déjà frappé lorsqu’il circulait dans Liège avec son masque médical. Il se caressait le menton, semblant chercher ses mots.
-          Est-ce que Feri t’a montré le tunnel que nous ne fréquentons plus, que nous aimerions récupérer ?
    J’acquiesçai.
-          Des armes y sont entreposées, Mario. Pas par nous, rassure toi. Il y a là toutes sortes d’armes de guerre, des mines anti personnelles, des mitrailleuses, bazookas, pistolets et que sais-je encore. Il y a des dizaines de caisses de munitions de toutes dimensions des explosifs en tout genre. Un mardi sur deux, toujours à la même heure précise, des groupes viennent en prendre ou en déposer d’autres. Ils sont parfois encagoulés, des croix nazies sont tracées sur leur vêtement, ils parlent allemand. Ils ont une dégaine et un physique terrifiants. Il est évident qu’ils sont entraînés au combat et qu’ils savent manier ces armes. Quand ces mardis approchent, nous sommes sur le qui-vive et déménageons la plupart d’entre nous vers les sous sols de la chartreuse pour ne prendre aucun risque. Cela nous prend énormément de temps et d’énergie.
-          Mais c’est terrible dis-je. Et évidement vous ne pouvez faire appel à la police, ce serait vous découvrir !! Mais que pourrait-on faire ?
-          - C’est justement la deuxième chose que nous voulions te demander Mario : Aide-nous à nous en débarrasser.
Je me demandais s’il n’y avait pas erreur sur la personne, mais je connaissais aussi depuis longtemps mon incapacité à dire non quand il s’agissait d’aider.