mardi 28 juin 2016

Journal d'un restaurateur (25)

J’écris cette chronique depuis l’Espagne où je ne suis que pour quelques jours. Elle sera donc plus courte qu’à l’accoutumée. J’ai profité de la journée d’hier pour prendre un cours de cuisine sur la préparation pas à pas de la paella. Fabuleux. Je ne rentrerai pas aujourd’hui dans le détail, juste vous dire que le goût de la paella est dépendant du bouillon de poisson que l’on prépare dès le matin. La lotte joue un rôle déterminant dans l’affaire mais aussi les condiments que l’on pile au mortier. J'ai fait des photos de la moindre étape, je vais voir si s'il est possible de construire une recette illustrée. Je vous tiendrai informé.
Quoi qu’il en soit, le WE dernier a été autant fabuleux qu’épuisant. Dès jeudi midi, nous avons reçu des groupes (jeudi il s’agissait de trente personnes), vendredi soir le rotary Rive Droite, et samedi nous étions complète (j’allais dire complètement complet) à tel point que nous avons refusé pas mal de monde, dont nos chers voisins, Stéphane et Anne qui venaient avec des amis. Nous avons dormi quatre heures entre vendredi et samedi, de même que la nuit de samedi à dimanche. La restauration est un métier fabuleux mais épuisant et il me faut deux ou trois jours pour retrouver un certain bien être.
Les vacances sont maintenant là et cette semaine va être une grosse semaine de départ. Como en casa est ouvert jusqu’au samedi 16 juillet inclus. Ensuite nous serons fermés jusqu’au 16 août inclus, pour vous accueillir de nouveau dès le 17 août avec comme chaque année des nouveautés que nous allons glaner de-ci de-là.
Bon, je tourne la tête à gauche et je vois la mer scintiller au soleil. Il fait beau, chaud mais pas encore cette chaleur écrasante des étés  espagnols qui vous met en transpiration à peine quelques minutes après une douche fraîche. En cette fin juin, il fait réellement beau et le soir venu, une merveilleuse fraîcheur rend votre verre de vin pris en terrasse formidablement agréable. Allei, à votre santé.

lundi 20 juin 2016

Journal d'un restaurateur (24)

Hier, dimanche, comme prévu, j’ai fait une magnifique balade en vélo et retrouvé mon ravel qui va de Ans à Fexhe-slins. C’était magnifique et mes jambes ont pédalé comme si elles avaient toujours fait cela.
En rentrant, je me suis mis à préparer un buffet d’antipasti di verdura (légumes). Cela m’a pris une heure (de plaisir). J’ai disposé sur une plaque allant au four préalablement huilée : des tranches de 2 cm d’épaisseur d’une petite courgette, des tranches de fenouil, des tranches de tomates de 1 cm d’épaisseur, des champignons et des tranches d’oignon rouge aussi de 1 cm. J’ai badigeonné le tout d’un mélange d’œuf battus, d’herbes sèches (thym, romarin et origan) et d’un peu de chapelure. Le tout a cuit une demi-heure au four à 220 degrés. Disposé ensemble sur un même plat, c’est un peu un buffet dans un buffet.
 J’ai également mis au four des poivrons, rouges, jaunes et verts, sur une plaque sèche et  les ai laissés cuire jusqu’à ce que les peaux se noircissent. Ensuite, je les ai pelés très facilement car la peau se détache toute seule, coupés en lamelles et déposés dans un petit plat avec de l’ail coupés finement et de l’huile d’olive.
J’avais aussi lavé des feuilles de salade romaine, de la roquette et dix feuilles de pissenlit cueillis dans la pelouse.  J’ai cuit le tout directement dans l’huile d’olive dans laquelle avait rissolé une gousse d’ail coupée finement. L’idée est d’obtenir une poêlée de légumes verts amère. Je peux vous dire que c’était fabuleux et que cela m’a rappelé les poêlées de mon enfance que nous préparait maman.
J’ai également râpé une courgette sur une étamine que j’ai serrée et pressée pour extraire un maximum d’eau. J’ai mélangé ensuite avec l’œuf et demi qui me restait de mon badigeon et un peu de parmesan râpé, et à l’aide d’une cuillère à soupe, j’ai façonné des galettes que j’ai faire frire à la poêle.
Avec l’autre moitié du fenouil, j’ai fait une petite salade de fenouil à l’orange avec des pignons.
J’ai également fait sauter à la poêle, presque à la plancha, un mélange de champignons de Paris et de pleurotes, cuits juste pour être colorés.
J’ai enfin coupé en tranche une belle pomme de terre qui avait cuit dans son épluchure, que j’ai arrosé d’huile d’olive aromatisée au romarin, ail et piment rouge et parsemé de sel noir de l’Himalaya. (C’est génial de toujours disposer de deux ou trois bouteilles d’huile aromatisée dans sa cuisine, à faire soi-même, facile et moins cher!)
Et nous nous sommes retrouvés devant un merveilleux buffet, parfumé et coloré. La seule chose qu’il vous faut à ce moment, c’est de la fleur de sel (rien n’était salé à l’avance pour éviter que les légumes rejette leur eau à la cuisson) et de l’huile d’olive pour les champignons ou les légumes sortis du four. J’ai ouvert une bouteille de Negroamaro qui convenait parfaitement pour cette dégustation. Tout était servi froid.
Nous avons discuté, Marlène et moi, que ce que nous pouvions retenir pour les prochains antipasti de Como en Casa et ce que nous pouvions aussi encore ajouter, nous disant ainsi que nous pouvions varier la composition chaque semaine pour nous limiter à chaque fois aux 7 légumes qui doivent composer une belle assiette, sans compter les tapenades..
En Italie, les restos de qualité présentent souvent en été de beaux buffets d’antipasti de légumes dans lesquels on se sert à volonté. Le plus beau que nous ayons vu et dégusté est sans doute celui d’une des salles du complexe « El Gusto » à Rome. Un lieu qui occupe tout le rez-de-chaussée d’un immeuble à appartements et qui dispose de trois restaurants différents : un restaurant fromage-charcuterie, un restaurant cuisine casalinga (de la maison ou littéralement de la femme au foyer) où nous avons dégusté ses fabuleux antipasti et enfin, un restaurant gastronomique que nous n’avons pas encore essayé. Le lieu dispose également de deux boutiques où vous pouvez acheter tout le matériel de cuisine que vous souhaitez et tous les produits haut de gamme de la cuisine italienne. Ah, cette soudaine envie d’Italie !!
Ce dernier WE, notre carpaccio de gambas a connu un beau succès, égal à celui de l’antipasti. Ceux qui ont goûté le salmonejo au saumon et amandes ont également fort apprécié. Donc on remet cela ce prochain WE. La semaine s’annonce folle avec pas moins de cinq repas de groupe.
Tiens pour parler d’autres choses, samedi, nous avons terminé la soirée avec Aurélie et son compagnon. Aurélie travaille à la Croix rouge et son compagnon dans une ONG internationale. Aurélie est une fan du Québec où elle s’est déjà rendue au moins une dizaine de fois. Et comme elle est aussi fan de cuisine, elle nous a donné quelques adresses que nous nous ferons un plaisir de découvrir.
Allei, on ne le dirait pas, mais les vacances d’été approchent, nous sommes même dans la dernière ligne droite. Mais nous restons au poste jusqu’au 15 juillet inclus. Au plaisir de vous servir donc.

lundi 13 juin 2016

Journal d'un restaurateur (23)

Journal d’un restaurateur (23)
Certains clients et amis s’étonnent que nous donnions si facilement nos recettes et nos méthodes de travail. Un restaurateur ami nous disait récemment « ne donnez pas vos recettes, les autres vont vous copier ». En fait, nous ne demandons pas mieux que d’être copier, nous sommes heureux que l’on nous demande souvent d’organiser un cours de cuisine (ce que nous ne faisons pas faute de temps) et continuerons donc à donner nos recettes et nos méthodes. Mais il faut se dire qu’en cuisine, une recette ne fait pas automatiquement un bon met. Une recette n’est pas tout, il y a aussi l’intuition, le savoir-faire, le toucher, la captation de ce qu’il y a dans le produit. Il y a le Métier. Je lisais récemment cette belle phrase d’un maître cuisinier japonais s’adressant à ses élèves : « Une recette est comme une partition musicale, elle est parfaite, mais si vous ne la jouez pas avec votre talent et avec votre âme, elle peut n’avoir ni goût ni charme ».
Notre WE a été calme, surtout le samedi soir. Cela nous a permis de passer la soirée avec Claudine et Gérard. Nous nous connaissons sans doute depuis trente ou trente-cinq ans. Nous avons travaillé dans la même organisation même si c’était dans des secteurs différents, avons fréquenté les mêmes coordinations, avons participé aux mêmes combats. Nous avons donc des échanges d’anciens combattants parfois mais aussi une lecture des événements ou du monde actuel à la lumière de notre passé. Et souvent, nous arrivons aux mêmes conclusions qu’avec d’autres vieux amis : nos certitudes sont ébranlées, le monde est dans une évolution ultra rapide, mais nous ne voulons pas lâcher prise, il y a des espaces où l’on peut construire des choses et il y a des valeurs pour lesquelles il est nécessaire de continuer se battre : la justice, l’équité, la solidarité, le vivre ensemble dans une planète durable…Je repense à une phrase que j’avais encadrée à une époque : « ni certitude, ni itinéraire, ni errance mais… itinérance ». A chacun de construire son chemin.
Nous avons terminé la soirée avec les C. Merveilleuses. Les deux ont un travail absolument fabuleux. L’une est luthière et spécialisée dans la fabrication de violons. Elle aime la matière, la forme, et elle a passé la main sur le bois de la table d’hôte en frêne que Véronique a mis en démo dans notre restaurant. L’autre C. est dans le monde du cinéma. Elle ne vend pas du rêve mais une approche, une lecture du réel et un regard esthétique bien sûr. Il y avait aussi JC et S qui nous a raconté son Maroc, son Marrakech et son travail d’accompagnement des vieilles personnes qu’elle adore.
Nous avons reçu quatre personnes, anglophones, assez âgées, ce samedi soir. C’est Dina qui s’est occupé d’eux vu mes faibles connaissances de la langue. Je leur ai conseillé le vin blanc de chez Joncier. A un moment, le seul d’entre eux qui baragouinait un peu le français me fait appeler et me dit « nous avons commandé cette bouteille à 36€ c’est bien cela ? » Oui dis-je c’est cela. « OK me dit-il combien pour la deuxième bouteille ? » Du tac au tac je lui dis et bien la deuxième ce sera le contraire soit 63€. « Ah dit-il 63€ pour les deux alors ? » Ah dis-je, mais vous êtes un vrai italien vous. « Non, dit-il,  écossais. » En partant, le monsieur a tenu à aller saluer tout le monde à la cuisine et Dina a eu le plus gros pourboire de son année en salle.
Quand j’ai raconté cela à Gérard il m’a dit c’est normal, j’ai acheté un jour un livre de recettes de cuisine écossaise et le premier paragraphe disait : allez chez le voisin emprunter deux belles casseroles et tout ce dont vous avez besoin…

Quand nous avons quitté le restaurant, il était un peu plus de minuit, les restaurants voisins avaient baissé leur volet. La pluie s’est mise de nouveau à tomber violemment et je me suis dit que cela ne m’empêcherait pas de sortir mon vélo et de recommencer peu à peu mes balades. Ce que j’ai fait ce dimanche. Allei, à la semaine prochaine avec à la carte une nouvelle entrée absolument fabuleuse dont nous reparlerons.

lundi 6 juin 2016

Journal d'un restaurateur (22)

Ce qui frappe le plus les clients qui nous fréquentent, outre l’originalité des plats proposés (qui relève tant de la cocina casera- cuisine de maison- que de la créativité de la cheffe, c’est la forte présence de légumes dans les assiettes et leur mode de cuisson. On nous demande sans arrêt notre méthode de cuisson et nous la divulguons sans problèmes : nos légumes sont posés sur des plaques de cuisson, avec un filet d’huile d’olive, un peu d’eau et cuits au four. La durée de cuisson dépend bien sûr du type de légumes. C’est sans aucun doute cela aussi qui assure la qualité de cuisson : chaque légume ou type de légumes est cuit séparément. L’objectif : les cuire juste ce qu’il faut, ils doivent être cuit tout en restant croquant. Ces légumes ne doivent pas être égouttés, on y met juste l’eau qu’il faut pour éviter qu’ils ne dessèchent et gardent ainsi toutes leurs qualités nutritives. Au moment de dresser les plats, les légumes sont rissolés de différentes manières selon les plats.
Marlène adore aussi aller contre les « canons » gastronomiques. Elle sert crus des légumes qu’on a toujours cuits (le potiron par exemple), elle sert cuits ou rissolés des légumes que l’on mange généralement crus (les radis par exemple), elle prépare des salades fraîches avec des fanes et des épinards et cuit des feuilles de laitues dans ses lasagnes végés.
Autre caractéristiques de notre cuisine : nous tentons toujours un équilibre dans les choix proposés entre plats végés et plats carnés. C’est vrai pour la carte du midi où le plat du jour est toujours décliné dans les deux catégories. Ainsi si nous proposons une lasagne, il y aura toujours le choix entre une lasagne végé et une lasagne bolo par exemple, ou une potée avec viande et une autre avec des protéines végétales. Nous veillons en effet à ce qu’il y ait toujours des protéines végétales dans nos plats végés. Nos plats végé ne sont pas comme c’est souvent le cas dans certains restaurants, des plats dont on a simplement retiré la viande. Et nous avons toujours également un ou deux  plats végétaliens. Nous nous refusons en fait à discriminer les choix de qui que ce soit.  Nous considérons le végétarisme comme une démarche intéressante : il est évident que le mode de consommation carné occidental est invivable à l’échelle planétaire et au vu de l’accélération démographique (il faut neuf fois plus de terre pour produire une protéine animale que pour produire une protéine végétale). Il est donc indispensable de trouver un mode de consommation carnée équilibrée et de favoriser la consommation de protéine végétale (ce que nous faisons depuis les débuts de Como en casa il y a sept ans.) Nous respectons aussi bien le végétalisme qui refuse toute consommation non seulement de chair animale ou de la mer mais aussi de produit animalier tels qu’œufs, lait etc… Le végétalisme peut interpeller et apporter quelque chose au débat sur le mode d’alimentation. Sachant également que dans ces deux disciplines alimentaires la santé est un des facteurs déterminant. Mais nous ne voulons pas faire de ces deux démarches une doctrine discriminatoire envers ceux qui aiment la viande. La viande est un repère culturel très fort dans notre culture alimentaire. Personnellement je rêve d’une consommation de viande qui se limiterait à sa seule production artisanale et domestique.
Il est indispensable dans le domaine alimentaire de donner du temps au temps. Ce qui l’emportera c’est la qualité, le goût, le plaisir et la convivialité autour d’un  repas partager. Autrement dit, le Bon, le Propre et je Juste.
Nous sommes ouverts à toute nouvelle expérience, d’où la mise à la carte des pâtes à la farine d’insectes. Nous y croyons beaucoup comme une composante dans les recherches d’alternatives protéinées. Nous en avons encore servis une dizaine ce dernier WE et les gens en étaient ravis.
Il est important de ne pas être doctrinaire dans le domaine de l’alimentation. Faut-il considérer les insectes comme des produits animaliers ? Si la motivation du végétarisme et du végétalisme est de lutter contre la souffrance animale, que penser de « l’intelligence » ou du  moins de la « sensibilité » que les chercheurs découvrent de plus en plus chez les plantes ?
Dans cette recherche constante d’équilibre, voici ce que nous proposions à la carte ce dernier WE (vous savez qu’en soirée nous n’ouvrons que le vendredi soir et samedi soir)
En entrée nous avions : - Pâtes à la farine d’insectes au pesto d’épinard, roquette et menthe poivrée. – Céviche de cabillaud et ses petits légumes tout frais. - Couteaux de mer au vin blanc et persil. – Tartare de patates douces et guacamole aux olives et légumes.
En plat : - Bœuf en croûte de pavot et sa farandoles de légumes. – Scampis au curcuma et gingembre et ses légumes et fruits rissolés. – Risotto au saumon (le risotto est souvent végétarien et s'accommode des légumes de saison allant des salsifis aux épinards et en passant par les fraises avec ces différentes épices. Le risotto carné est rare chez nous) - Curry de légumes, tofu et quinoa. – Penne aux épinards et feta.- Filet de maquereau aux champignons et son gratin de céleri rave et pomme de terre.
Cela nous fait plaisir évidemment d’entendre les compliments. « C’est vraiment très bon » « merveilleux », « une tuerie ». Ce dernier vendredi un groupe de six jeunes femmes venaient du Grand-duché de Luxembourg et sur proposition d’une amie vivant à Liège, sont venues à Como en Casa. Elles trouvaient tout fantastique : la nourriture, le lieu et l’accueil. Et aussi le fait que chacun a son intimité tant il y a de l’espace entre les tables.
Samedi, nous avons terminé la soirée avec Benoit et Bénédicte. Celle-ci va recevoir dans les prochains temps dans le cadre d’échanges étudiant, une mexicaine, un taiwanais venant du Chili et un américain. Pendant ce temps leur fille aînée partira un an en Argentine. Benoit, lui, s’entraîne en vue d’une balade à vélo avec des copains dans les alpes. Enfin, ce n’est pas une balade, c’est une performance et il a déjà perdu 6kg simplement en s’entraînant et en cessant la bière. Bon, c’est décidé, je remonte le vélo de la cave et j’arrête, eueueuh non, je diminue le vin.
Quand nous avons quitté le resto, les volets des restaurants voisins étaient baissés. Les hommes, les animaux, les plantes et les insectes étaient solidaires dans la peur du déluge d’eau qui commençait  à s’abattre sur la ville. Au moins on ne pensait pas à qui allait manger qui ou quoi.

Allei, à la semaine prochaine