lundi 30 janvier 2017

Il nous reste 4.5 milliards d'année

Marlène s’est attaquée au tri de ses archives, ce qu’elle n’avait plus fait depuis que nous avions le restaurant. J’ai ainsi mis hier aux vieux papiers trois sacs bien remplis de coupure de presse et de documents divers. J’ai également récupéré un paquet de documentation que je devrais trier mais qu’au contraire je me suis mis à feuilleté. Je suis tombé ainsi sur une carte de format A3, éditée par le journal Le Soir et représentant notre système solaire.
On y voit le soleil entouré de ses satellites et une description de ceux-ci. Et donc, soyons tranquilles du côté de notre galaxie, rien de changé, tout tourne bien rond si je puis dire. Les forces de gravitations et les puissances électromagnétiques tiennent chaque planète à la distance voulue. Le soleil, qui détient à lui seul 99.8% de la masse totale de l’ensemble de la galaxie, continue de rayonner et comme il le fait depuis plus de 4 milliards d’année, à convertir chaque seconde 600 millions de tonnes d’hydrogène en hélium (gaz). On estime qu’il dispose de réserves qui lui permettront de continuer le job encore 5 milliards d’année. Ensuite de quoi il s’éteindra et bien sur notre terre avec lui. Si donc les Trump, Erdogan, Netanyaou et autres Poutine ne créent pas le désastre total, nous avons encore de beaux jours devant nous.
Si depuis Copernic et Galilée, nous savons que nous ne sommes pas le centre de l’Univers, la terre reste néanmoins la plus belle planète de l’univers puisque son atmosphère y a permis l’émergence du vivant. Le hasard a fait que la distance qui nous sépare du soleil a permis la création de notre atmosphère et de ce qui est le bien le plus précieux qui a permis la naissance de la vie : l’eau. Comme le dit Albert Jacquard dans son magnifique livre « La légende de la vie » (il dit l’avoir écrit pour être compris des enfants ou…d’ignares comme moi), tout a concouru à faire de ce domaine- la terre- un véritable oasis. Quelle chance et quel hasard. Si la terre avait été à 2 % plus près du soleil, nous aurions connu le sort de Vénus (‘effet de serre provoquant un choc thermique et la disparition de l’eau) à 4 %, nous aurions connu le sort de Mars (emballement vers le froid).
Je vous passe aussi tous les phénomènes naturels qui ont produit une masse d’eau qui par ses précipitations torrentielles, a entraîner un tel mélange de matière et la création d’une « soupe » (c’est ainsi que l’on appelée les scientifiques) où a pu naître la vie. Il a encore fallu d’autres hasards. Nous avons entre autres eu la chance que les atomes (la partie la plus infime de la matière), qui en s’assemblant créent des molécules, ont créé une molécule miraculeuse, capable de se reproduire et de se perpétuer : l’ADN. Cette molécule s’est perpétuée et développée et grâce à une autre molécule avec qui elle s’est alliée, l’ARN, a pu correspondre avec une autre famille de molécules : les protéines et acides aminés. Si les ADN et les ARN s’était fait la guerre au lieu de coopérer et par là de s’enrichir, le miracle de la vie telle que nous la connaissons n’aurait jamais eu lieu.
Notre propre histoire, l’histoire de notre planète est sans doute la plus belle métaphore des questions et choix auxquels nous nous trouvons confronté aujourd’hui. Nous mélanger, revoir nos modes de vie, nous organiser pour bien vivre ensemble ou nous appauvrir et nous faire la guerre.
Allei, moi dans ma petite boulangerie, je crée aussi des multiplications de molécules et de bactéries qui font lever le pain et m’ont permis de faire de très belles focacciae et des baguettes pas mal. J’ai constaté que ces baguettes sont moins agréables à manger le lendemain. Va falloir changer le mode de cuisson.

Un projet merveilleux est en cours de naissance à Malmedy, qui verrait relancer une boulangerie au four à bois et à la farine bio, tout est là et l’ancien boulanger est à disposition pour former tous ceux qui sont prêts à y aller travailler. Je n’irai pas faute de temps mais si trois ou quatre jeunes pouvaient se lancer dans cette aventure, ce serait formidable. Après tout il nous reste 4.5 milliards d’année, de quoi faire encore quelques pains hein…

mardi 24 janvier 2017

faire du pain c'est comme dompter un animal sauvage

La friture Romaria située au 194 de la rue Haute à Bruxelles, a vraiment tout d’un boui-boui. Affreuse façade avec son grand châssis en aluminium, tables intérieures en plastique vert et une allure générale de friture à la bonne franquette. Mais Nadia et moi – nous étions venus à Bruxelles pour passer la journée avec ma sœur Nadia qui vit à Nantes mais travaille comme intermittente du spectacle et est engagée pour 6 semaines à la Monnaie – avions été attirés par les plats que dégustaient trois personnes attablées près de la fenêtre. De plus une petite affiche jaunie, annonçait « cuisine portugaise ». C’était hier lundi et les deux ou trois restaurants que nous avions sélectionnés  avant de partir étaient fermés. Heureusement, Marlène, distraite par sa conversation avec Nadia, ne remarqua pas le comptoir frigo qui nous accueillait à l’entrée à moitié dégarni de quelques hamburgers, fricadelles, boulettes rabougris et pot de mayonnaise et de ketchup. Les deux hommes au comptoir nous accueillent avec des sourires gentils et nous nous installons dans le fond de la salle entourés de miroirs face à une fresque ratée représentant un Frank Sinatra  à la jambe atrophiée chantant près d’un bar où James Dean nettoie des verres derrière son comptoir et Maryline Monroe assise sur un tabouret sirote un wisky avec des genoux énormes mis en avant.
Voilà me suis-je dit,  un endroit où l’on ne rentrerait jamais mais où je sentais qu’on pourrait peut-être très bien manger. Le garçon, qui s’avéra être le fils du patron nous présente la carte nous disant, à gauche les plats « friteries », à droite les plats portugais. Je demande ce que mangent les personnes à l’avant, il me répond « Viande de porc à l’Alentejana ». Je lui demande si il est aussi bon que celui que j’ai mangé à Lisbonne, il me répond oui sans aucun doute. Je choisis donc cela, Nadia aussi. Marlène choisit le « bacalahau maison », le baccala est un de ses mets favoris. Commande prise le garçon nous apporte trois morceaux de pommes de terre trempant dans la sauce, en guise de mise en bouche. Nous en prenons chacun un et de fait c’est délicieux et très goûteux. Puis nous entendons les deux hommes s’affairer derrière le comptoir, c’est là que toute la cuisine se fait. L’attente est d’une demi-heure, ce qui nous rassure car cela signifie que ce n’est pas le micro-onde qui est mis à contribution. Les assiettes que l’on nous sert ensuite sont magnifiques, la fraîcheur transparait, le porc à l’Alentejana est délicieux, de petits morceaux de chorizo portugais leur donnent goût fabuleux. Quand le garçon me demande s’il est aussi bon qu’à Lisbonne, je lui réponds non, il est bien meilleur. Quant au baccalhau de Marlène, il est fabuleux, moelleux, frais, garni de tomate fraîches juste cuites ce qu’il faut et de chips de pomme de terre fait maison. Plus tard, le patron, père du garçon qui nous a servi vient s’asseoir près de nous, il nous expliquera que tout a été fait à l’instant, qu’il cuisine comme s’il recevait les gens chez lui, que le micro-onde ne sert que pour la friterie et qu’il va chercher au Portugal la majorité de ses produits et entre autres le baccala, le chorizo et les palourdes. José- c’est son nom- est bavard et comme moi je suis doué pour faire parler les gens, José s’assied pour nous raconter sa vie. Arrivé en Belgique avec sa femme et une seule valise en carton pour eux deux, des connaissances leur avait dégoté un petit deux pièces, sans meubles, sans lit, sans même une chaise et les premières semaines ils dormirent à même le sol. Chacun trouva du travail – au noir car à l’époque l’immigration était interdite pour les non membres de la communauté européenne - elle comme femme de ménage et lui comme plongeur et homme à tout faire dans un restaurant. Ils travailleront ainsi clandestinement jusqu’en 1988 année ou un couple d’italiens travaillant à la communauté européenne les aident à obtenir papier et permis de travail. Exploité pendant huit ans par différents restaurateurs, José décide avec deux copains de lancer ses propres restaurants portugais dont un à la place Jourdan qui connut un très beau succès. Mais un des trois associés fera main basse sur la caisse. José décide alors d’utiliser ses petites économies (sa femme a une emploi de femme à tout faire dans une école de la ville de Bruxelles) pour acheter une maison dans la rue Haute, le 194, où il installe sa « friture restaurant portugais » et c’est le succès. Il achète deux autres immeubles à appartements, il y case ses enfants et leur famille et maintenant commence à poindre la possibilité d’un retour au Portugal et la possibilité d’y vivre du fruit de ses années en Belgique. Entretemps, il y va régulièrement avec son camion frigo s’approvisionner de produits authentiques et du porto que produit son frère de 74 ans au bord du Douro. J’ai eu l’occasion de déguster ce porto de derrière les fagots. Et bien cela goûte le porto, ce goût que l’on ne retrouve jamais dans les portos des grandes surfaces. Il s’appelle José Rodriguez, il est le seul de sa famille de sept enfants à avoir quitté la ferme familiale, seuls lui et son frère aînés vivent encore et je vous souhaite de le rencontrer et de déguster sa cuisine familiale, comme à la maison. Demandez-lui s’il fait bien les plats « à l’instant ». Vous verrez. Il est ouvert 7 jours sur 7.
Ma deuxième journée de travail à la boulangerie s’est bien passée. Un vrai bonheur, à tel point qu’à un moment de la matinée, Philippe et moi, après avoir défourné la troisième fournée avec Anaïs, nous sommes dits : mais qu’est-ce que la vie est belle. Ses pains sont réellement exceptionnels. Flavia, une amie, me disait qu’elle avait avec le pain de Philippe l’impression de manger le pain de son enfance. Et bien je m’étais dit aussi que j’avais l’impression de manger le pain de Léona qui lorsque nous étions enfants, nous en découpait de grosses tranches qu’elle avait beurrées et salées et que nous dégustions avec les champignons crus que nous avions ramassés avec Octave.

A part cela, parmi les boulangers, court cette antienne qui dit que faire du pain, c’est comme dompter un animal sauvage. Et bien j’ai encore pu le vérifier ce dernier vendredi, j’ai fait des baguettes, pas mal, inégales, bonnes mais ce n’était pas tout à fait cela. Celles du bas du chariot étaient légèrement étalées, celles du haut plus arrondies. Chaque élément de l’environnement compte et il faut dompter ce mélange de farine, d’eau de levure et de chaleur qui produit un animal sauvage mais tellement bon quand il est cuit. Ah que la vie est belle, quand on fait de bonnes choses à ajouter Philippe. 

lundi 16 janvier 2017

Regressus ad futurum

Je vais tout vous raconter. Voilà, ce dernier vendredi, j’ai commencé (re) à travailler en boulangerie. Elle porte un beau nom « Un pain c’est tout », en Outre-Meuse, à la rue de la loi, c’est la petite rue qui longe le Colruyt sur la gauche. En y arrivant ce vendredi à 6h, en guise de bonjour, Philippe (le fondateur) m’a rappelé qu’il y a cinq ans exactement, le 13 janvier (comme vendredi dernier), on inaugurait la boulangerie et pour cette inauguration, j’y cuisais 80 focacciae qui ne suffirent pas à rassasier les invités plus nombreux que prévu.
Emotion bien sûr. Je regardais Philippe et son aidante Anaïs. Ils travaillent en symbiose parfaite, je les regardais et avais l’impression de me revoir auprès de mon patron, Gustave, il y a 50 ans exactement. Nous travaillions de 3 heures à 8 heures le matin sans pratiquement nous parler, chacun sachant ce qu’il devait faire. Quand nous prenions le petit déjeuner à 8 heure, j’avais l’impression de me réveiller, d’avoir travaillé comme un somnambule. Pourtant nous avions pétri, façonné et cuit près de 600 kg de farine et nous allions encore en travailler 200kg après le petit déjeuner.
Il m’a fallu à peu près une heure pour prendre mes marques et après une heure, mes automatismes sont revenus. Le paradis. Faconner, bouler, enfourner, défourner J’ai aidé à leur production habituelle de pains de campagne à base de farine du moulin d’Hollange, assez unique à Liège, de bun’s comme on appelle les pains pour hamburger (absolument délicieux), les tartes, miches, croissants etc. Durant les levées, j’ai fait tiramisu et focacciae puisque mon rôle consistera aussi à lancer de nouveaux produits et élargir l’offre.
Je vais y travailler tous les vendredis. De plus, deux fois par mois, les lundis à 17 heures, j’ animerai des ateliers avec Marlène. Nous avons définis quatre ateliers pour le moment : un atelier focaccia (y compris les farces), un atelier gnocchis et ses sauces, un atelier pâtes fraîches (y compris raviolis), un atelier tartes. Les dates précises seront fixées prochainement, mais si vous êtes intéressé(e), dites-le moi, on peut s’inscrire à un ou plusieurs ateliers mais on n’est pas obligé(e) de faire les quatre. Le prix tournera autour de 25 ou 30€ par atelier, chacun retourne avec sa production (3 focacciae par exemple). Ecrire à : mario.gotto@gmail.com
Allez savoir si c’est lié mais des souvenirs d’antan me reviennent. Quelqu’un a fait circuler sur FB des images de l’hiver 1962-1963. Ce fut l’hiver le plus long et le plus rude du vingtième siècle, il a gelé de décembre à mars. Je m’en souviens précisément. Ce souvenir de 63 est lié à un souvenir de l’hiver 60-61. C’est la grève générale en Belgique. LA grande grève. J’avais 9 ans et pas grande conscience de ce qui se passait jusqu’au jour où je me retrouve avec mes amis devant un groupe de travailleurs qui nous barrent l’accès aux grilles de l’école. On nous explique : c’est  la grève, vous pouvez rentrer chez vous,  pas école. Nous allions repartir tout joyeux de ces vacances inattendues mais voici qu’arrivent l’instit et le curé. Grosse discussion, cris, colère, bousculade et un des « piquets » empoigne le curé à la gorge et se prépare à le frapper de son poing droit. Nous avons peur, Nous aimons le curé qui s’occupe énormément de nous, qui nous fait découvrir plein de choses grâce au patro. Nous sommes paralysés. Les autres s’interposent, tout se calme et le piquet fini par se retirer et nous laisse entrer à l’école. Nous n’y resterons qu’une heure ou deux, le temps que l’on nous explique la grève et qu’on nous dise d’en attendre la fin pour revenir à l’école.
Deux ans plus tard, c’est le froid, le gel, le verglas. Rien ne circule tant la glace est épaisse. Pourtant, je continue à me lever à 6h30 pour aller servir la messe chez les sœurs. Le curé passe me chercher et nous parcourons à pied le km et demi qui nous sépare du couvent. Nous avons pris l’habitude de marcher sur la glace et nous dépassons un couple qui avance lentement avec difficultés. Le coréen ! C’est le coréen avec sa femme, le même qui deux ans plus tôt avait serré la gorge du curé. J’ai un peu peur de ce qui va se passer. Mais le coréen nous dit un gentil bonjour et nous demande comment nous nous y prenons pour marcher aussi vite sans tomber ? Faites comme nous répond le curé et vous verrez cela ira tout seul. Nous rions et chacun continue sa route. On l’appelait le coréen et j’imagine que c’était lié à ses convictions et à la pas si lointaine guerre de corée, je ne l’ai jamais bien su.
 L’hiver durait et une partie du chemin de l’école était engoncé entre deux prairies. Des congères de près d’un mètre se formaient et nous emballions nos pieds et bas de pantalons dans des vieux chiffons pour éviter de rester mouillés toute la journée. Voilà, je me souviens de l’hiver 63 et d’un bout de la grande grève de 60 et du coréen qui ne m’est pas revenu une seule fois en mémoire ces 55 dernières années. Et maintenant me revoilà boulanger. Comme dirait Bohumil Harabal « progessus ad originem equals regressus ad futurum ». Allei, pour le même prix, je vous donne l’extrait tiré de son livre « une si bruyante solitude » que je viens de relire et qui m’habite encore et que je vous souhaite vraiment de ne pas rater. Le personnage principal écluse des litres de bière et travaille à une presse à vieux papiers. Il y écrase des milliers de livres et tente d’en sauver autant que sa maison peut en contenir. Il s’arrange toujours pour qu’au milieu des ballots se trouve une œuvre d’un grand philosophe puverte à la page essentielle (il les invite tous bien sûr) et il fait en sorte qu’apparaissent sur les faces visibles des ballots des reproductions des grandes œuvres picturales de Ruebens à Picasso en passant par Gauguin et Pollock) qu’ainsi tous les pragois pourront voir quand les ballots sont transportés vers l’usine à papier.

”À partir d’aujourd’hui, te voilà seul, mon bonhomme, tu dois faire face tout seul, te forcer à voir du monde, t’amuser, te jouer la comédie aussi longtemps que tu t’accroches à cette terre; à partir d’aujourd’hui ne tourbillonnent plus que des cercles mélancoliques…En allant de l’avant tu retournes en arrière, oui: progressus ad originem equals regressus ad futurum, c’est la même chose, ton cerveau n’est rien qu’un paquet d’idées écrasées à la presse hydraulique.”

lundi 9 janvier 2017

Choses de la vie et lectures baroques

Même si nous nous voyons régulièrement et nous téléphonons une fois par semaine, cela fait bien longtemps que je n’avais pas passé autant de jours de suite avec mes deux fils. Cela remonte au séjour que nous avions organisé pour mes cinquante ans à Tossicia, le village d’origine de ma mère dans les Abruzzes. Nous y étions restés une semaine, mais il y avait là d’autres membres de la famille et quand on est aussi nombreux, les relations particulières sont plus difficiles à établir en profondeur. Ici le cercle était plus étroit : mes deux fils, leur épouse, leurs trois enfants, Marlène et moi. Un mélange de calme, de sérénité, de complicité, de bonheur d’être là ensemble et de savoir qu’on s’aime et s’apprécie sans devoir se le dire. Un mélange aussi de balade en campagne, d’histoires racontées aux enfants le soir près du lit, de repas familiaux (souvent bien arrosés), de dégustations de champagne, de piscines et rivières sauvages pour les enfants et de souvenirs que nous n’avons cesser d’évoquer.
Je regarde mes fils, je retrouve leur personnalité, mais ce sont aujourd’hui deux adultes, de bons pères, de bons époux qui avec leurs épouses, forment deux très beaux couples. Ce sont aussi des travailleurs reconnus pour leur capacité professionnelle et qui ont d’importantes responsabilités. Leur champ de connaissance et leur culture s’élargissent aujourd’hui indépendamment de moi. Je regarde aussi mes petits enfants dont les personnalités commencent à s’affirmer et avec Marlène nous nous disons que ce sont là de belles personnes qui se dessinent.
Tout cela apporte encore plus de sens à la vie. Nous nous rendons compte que les effets de ce que nous tentons de leur faire découvrir s’expriment avec le temps. Ainsi nos deux petites filles trouvent aujourd’hui naturel que nos excursions, qu’elles soient d’un ou de plusieurs jours passent presque toujours par un musée. (Celui de Reims, s’il n’est pas hyper riche, est assez éclectique et le carnet remis aux enfants est très bien conçu pour rendre leur visite active). Le petit Antonin demande à Marlène tel ou tel met espagnol. Nous n’avons pratiquement plus de remarques à faire sur leur comportement dans la ville, en société, au restaurant…Nous prenons nous comme eux plaisir dans nos bricolages, nos jeux, nos échanges. Nous sommes heureux de voir leur tolérance et leur ouverture aux autres. Nous nous connaissons et avons construit une relation de confiance naturelle. Nous nous disons que nous avons encore un beau bout de chemin à faire ensemble. La prochaine étape sera la découverte des Abruzzes et je me prends déjà à rêver qu’un jour, peut-être dans bien longtemps ils y retourneront et verront dans ce pays une petite part de leurs racines.
Voilà, avec mon dernier Douglas Kennedy (je dois en être au quinzième de ses livres) je quitte, au moins temporairement la littérature américaine et je reviens à mes anciens amours. Un coup de cœur : « Zinc » de David Van Reybrouck, que Yoann m’a offert pour la Noël. Un petit livre passionnant qui à travers l’histoire d’un personnage raconte surtout l’histoire de ce petit village, Moresnet, qui fut outre capitale mondiale du Zinc, tour à tour Etat indépendant, village prussien, hollandais, allemand et belge. Sa neutralité et surtout ses mines de zinc y ont attiré une population cosmopolite fuyant qui la Prusse, qui la Belgique, qui simplement des situations individuelles inextricables. On ne se souvent plus aujourd’hui de la présence du zinc dans notre environnement. Avez-vous connu les seaux, les cruches, les bassines et les contenants divers en zinc ? Les gouttières et les descentes de toit en zinc ? Et surtout, et c’est là que la production de zinc a explosé à Moresnet, rappelez-vous Haussman qui impose à ses constructions à Paris les toits de zinc dont il adorait le gris. Moresnet c’est ici tout près. J’y suis aller à divers reprises quand je travaillais à Verviers et voilà qu’il me revient en mémoire sous la forme d’un petit livre passionnant qui nous fait découvrir l’histoire dramatique et mouvementée de la région germanophone de Belgique et des drames que l’histoire a imposée à des villes comme Malmedy et à Stavelot.
Me voilà maintenant de retour en Europe centrale et particulièrement en Tchéquie où je m’étais rendu à plusieurs reprises avant et après la révolution de velours. Voilà que Yoann m’offre « Comment j’ai rencontré les poissons » de Ota Pavel.  Je ne connaissais pas du tout et je retrouve une écriture magnifique, des histoires qui coulent d’elles-mêmes et qui racontent une Europe centrale où se mêlent le rire et le drame, les juifs et les chrétiens, les braconniers et les gardiens des lois. Un bouquin qui me donne envie de reprendre Bohumil Hrabal et sa « Flûte enchantée » que j’ai lu je ne sais combien de fois et que j’avais fini par connaître presque par cœur. Je vous souhaite vraiment de lire Ota Pavel et ses poissons et si vous voulez découvrir Bohumil Hrabal, je vous conseille un de ses textes majeurs « Une si bruyante solitude ». C’est baroque et c’est fabuleux.

Allei, on est loin de la cuisine hein !! Je vous reviens la semaine prochaine.