dimanche 9 juillet 2017

Et pourtant, il pousse

J’ai fini par trouver l’église de Villers-Saint-Siméon. Je l’avais cherchée sans succès il y a quinze jours    (voir ma chronique du 25 juin « c’était son ombre, j’en suis sûr »). Elle est bien cachée dans son écrin de verdure et d’arbres. Elle est entourée d’un petit cimetière. Certaines tombes sont proches de la porte d’entrée. Il y a surpopulation et les autorités communales de Juprelle tentent d’y faire de la place. Pour « les jeunes en quelques sortes ». Devant de nombreuses tombes, on trouve donc de petites pancartes jaunes clouées sur de petits bouts de bois fichés en terre. On peut y lire ceci :

COMMUNE de JUPRELLE : CONSTAT DE DEFAUT D’ENTRETIEN DE SEPULTURE

Sépulture A.  Bloc X  allée Y  N° X (un plan se trouve à l’entrée indiquant les blocs et les allées)

Nos services ont constaté que cette sépulture était en défaut d’entretien conformément aux articles L 1232-1 et L 1232-12 du code de la démocratie locale et de la décentralisation, cette concession fait donc l’objet d’une procédure en défaut d’entretien.
Le défaut d’entretien est établi lorsque d’une façon permanente la tombe est malpropre, effondrée ou en ruine et lorsqu’elle est dépourvue de signe indicatif de sépulture exigé par le règlement communal des cimetières et par le code de la démocratie locale et de la décentralisation.
Pour tout renseignement : contactez le service des sépultures de Juprelle : 04 2787573. www.juprelle.be
Date du début d’affichage le 01-10-2016
A défaut de remise en état de la sépulture au plus tard le 01-12-2017, l’autorité communale mettra fin à la concession.
Signé : le bourgmestre C. Servaes

Je suppose qu’après le 1er décembre, les tombes concernées - à mon avis une bonne trentaine - seront démantelées. Que deviennent les pierres tombales ? Les ossements ?
J’ai remarqué cinq tombes qui présentaient les caractéristiques de « défaut d’entretien » semblables aux autres. Mais face à elles, aucune pancarte jaune. L’une avait encore un bouquet de fleurs en plastique terni dans un de ses vases en pierre. Sans doute cela lui a sauvé « la vie ». Deux autres portaient, gravée dans leur pierre, l’inscription « concession à perpétuité ». Et enfin sur les deux dernières  était fixée une petite plaque émaillée en blanc avec un drapeau aux couleurs belges et la mention « FNAPG ». Fédération Nationale des Anciens Prisonniers de Guerre. Je connaissais le sigle de cette fédération dont mon instituteur, monsieur Jadoul et Alexandre faisaient partie (voir ma chronique du 29 septembre 2014 : « Alexandre et les fleurs de gare »).
Il y a un grand caveau, peut-être le plus grand, contre le mur d’enceinte. Gravé sur la pierre horizontale : FAMILLE SIMENON. Il faut que je jette un œil à son livre  « Pédigrée ». Sa première expérience sexuelle avec une cousine à la campagne, il avait douze ans : était-ce à Villers Saint Siméon ?
On entre dans l’enceinte du cimetière et de l’Eglise par un petit portail en fer forgé noir. Sur la gauche, l’ancienne cure qui selon les inscriptions lues sur la boîte aux lettres est aujourd’hui occupée par un couple. Le jardin du curé n’est plus entretenu.
En sortant, si on descend plus bas, on découvre un petit bâtiment au fronton duquel est gravé « Ecole Communale. 1871 ». Le bâtiment est très bien préservé et est aussi habité par un couple.
Devant l’école un monument « A nos héros, tombés au champ d’honneur ». Dans la colonne 1914-1918, deux noms seulement : Maréchal G et Tilkin L. Dans la colonne 1940-1945, quatre noms : Herman L., Sauvage M., Boré A. et Collardin D.
J’ai songé que ces six personnes ont fréquenté l’école communale construite en 1871.
Il devait y avoir très peu d’habitants à Villers Saint Siméon à ces époques. Jusqu’en 1977, date de la fusion des communes, Villers Saint Siméon était une commune à part entière. 9 villages constituent aujourd’hui la commune de Juprelle. Outre Juprelle et Villers Saint Siméon, il y a aussi : Flexhe-Slins Et Slins, Lantin, Liers, Paifve, Slins, Voroux-Lez-Liers et Wihogne. Soit 8800 habitants. Sans doute trois fois moins en 1914.
La paroisse de Villers Saint Siméon quant à elle, fait partie de l’équipe pastorale dite des « Douze » : Rocourt, les neuf de Juprelle, Milmort et.. ? Quelle est le douzième ? Impossible de le savoir !
Plus tard, près de l’église de Liers, une grande affiche : « Milmort en fêtes ». Vous comprenez ? Je sortais d’un cimetière…
Je suis revenu par le même chemin où une deuxième ombre m’était apparue il y a quelques semaines. Au milieu des grandes plantations de céréales, j’ai pensé à ce qu’avait dit, il y a longtemps de cela, Michel Rocard. A une question d’Elkabbach qui lui faisait remarquer que ses mesures n’avaient pas l’air de porter leurs fruits, le premier ministre avait répondu : « Il faut du temps pour tout voyons. Asseyez-vous donc au bord d’un champ, monsieur. Vous pouvez regarder le blé durant des heures, vous ne le verrez pas pousser n’est-ce pas ! Et pourtant il pousse monsieur ».
Eblouissement. En passant dans une ruelle, une femme. Un bouquet de fleurs rouges qu’elle tient des deux mains. Elle va à gauche, à droite. Toute préoccupée de mettre ce bouquet à l’abri, elle ne me voit pas. Sa cours-terrasse,  faite maison, bien rangée, chaleureuse, rien à voir avec les magazines. Magnifique. Il était 6h50. Quand je repasse vers 8h45, elle est étendue dans une méridienne en rotin garnie de coussins blancs. Elle pense ? Elle rêve ? Une sérénité absolue que j’ai eu peur de perturber. Un moment d’éternité pour cette femme, (est-elle Turque ? Marocaine ?) avant que mari et enfants ne déboulent dans sa journée.
J’aime croire que ma mère s’est offert de tels moments ?
Tellement riche la vie !

Allei, à lundi prochain.

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